L’annonce nigériane d’un gazoduc avec l’Algérie met le Maroc en difficulté, notamment avec la suspension du contrat de gazoduc le liant à l’Algérie fin octobre. Le ministère de l’Energie algérien avait confirmé que le gazoduc entre l’Algérie et le Nigeria, qui reliera l’Europe à l’Afrique à l’avenir, est un projet vital pour le pays et apporte de nombreux avantages au Nigeria et au Niger sur le plan économique.
Abdelmalek Serrai : « L’Algérie est gagnante sur les plans stratégique, financier et relationnel »
Les deux pays, l’Algérie et le Nigeria, sont membres de l’Union africaine, membres de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique et aussi membres de certains programmes régionaux pour le développement économique et social de l’Afrique. S’agissant du projet de gazoduc, Abdelmalek Serrai, l’expert international en économie, a souligné à Maghreb Info que c’est un projet concret qui va tout droit dans les efforts analysés politiquement par l’Union africaine et développé statistiquement avec les orientations de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA). « Les deux pays ont travaillé sérieusement à la consolidation et à l’augmentation des échanges entre les Africains », a-t-il déclaré. Le projet de gazoduc Algérie-Nigeria est un projet solide, selon l’expert, qui permettra au Nigeria de gagner dans les délais et les frais de réalisation.
Du côté algérien, Serrai a précisé que dans l’aspect stratégique, l’Algérie aura le privilège de réponde à ses besoins de consommation locale et elle gagnera, sur le plan financier, des moyens considérables à long terme. C’est un acquit pour l’Algérie dans le Grand Sud et dans la Méditerranée, notamment avec la Tunisie, a-t-il ajouté. « Ce qui est certain, ce que définitivement l’Algérie va avoir un poste financier important de ce gazoduc et elle va l’utiliser à l’investissement dans le gaz et autour de la pétrochimie », a déclaré l’expert. Serrai a confirmé que ce projet va permettre de consolider les relations gazières algériennes avec l’Union européenne grâce notamment au gaz de Nigeria. La base de transport gazier est à partir de Hassi R’mel, et donc l’Algérie va le rentabiliser davantage, mais parmi les problèmes qui s’exposent actuellement est comment arriver à améliorer le système de transport de gaz.
Gazoduc Algérie-Nigeria : un projet sous-tension
Les rapports indiquent que le gazoduc qui passera du Nigeria à l’Algérie via le Niger vise à transporter 30 milliards de mètres cubes de gaz nigérian vers l’Europe, tandis que le gazoduc qui s’étend entre le Maroc et le Nigeria sur une longueur de 5 660 km, traversant 11 pays, constituera le projet d’un point de vue technique et économique plus difficile du projet nigérian-algérien. Lors de la réunion de haut niveau des États membres de la Commission africaine de l’énergie pour présenter la note d’orientation sur le gaz naturel dans la scène énergétique africaine, le ministre de l’Energie Mohamed Arkab avait souligné que l’Algérie accorde une attention particulière à l’achèvement du gazoduc transsaharien (TSGP), qui relie le gaz naturel nigérian à l’Europe via le réseau algérien de gazoducs. Il a expliqué que l’affaire permettrait de renforcer les relations avec le Nigeria et le Niger, qui bénéficient des avantages sociaux et économiques de ce projet. Il faut rappeler qu’en novembre 2020, le ministre des Affaires étrangères Sabri Boukadoum a discuté de la résurrection du projet de gazoduc transsaharien entre l’Algérie et Nigeria.
A l’occasion de sa visite au Nigeria, Boukadoum a publié un tweet dans lequel il a déclaré : « J’ai rencontré mon frère Geoffrey Onyeama à Abuja et nous avons eu des discussions constructives pour renforcer les relations bilatérales et mettre en œuvre des projets stratégiques, notamment la route transsaharienne, ainsi que le gazoduc transsaharien et le câble à fibre optique. » Dans une démarche visant à faire annuler le projet de gazoduc transsaharien entre l’Algérie et le Nigeria, le roi Mohammed VI du Maroc a eu, dimanche 31 décembre 2020, des entretiens téléphoniques avec le président du Nigeria Muhammadu Buhar. Un communiqué publié par le ministère marocain des Affaires étrangères a indiqué que le roi Mohammed VI et le président Mohamed Boukhari ont exprimé leurs intentions de poursuivre les projets stratégiques entre les deux pays et de les achever dans les plus brefs délais, notamment le gaz Nigeria-Maroc et la création d’une usine de production d’engrais au Nigeria. La décision du Maroc intervenait après le rapprochement entre l’Algérie et le Nigeria, et l’accord de mise en œuvre de projets communs à l’occasion de la visite du ministre des Affaires étrangères Sabri Boukadoum à Abuja.
Abderrahmane Mebtoul : « Il faut que la part du GNL passe à plus de 80% pour répondre aux normes boursières du pétrole »
D’après une analyse envoyée à notre rédaction par l’expert international en économique Abderrahmane Mebtoul, la rentabilité du projet Nigeria-Algérie suppose des conditions principales, la mobilisation du financement, l’évolution du prix de cession du gaz, la sécurité et des accords avec certains pays, et pour la faisabilité du projet NIGAL, la demande future sera déterminante sur la production mondiale de gaz naturel s’étant élevée à 3890 milliards de mètres cubes (Gm3) en 2020 selon Cedigaz, ainsi que la concurrence internationale qui influe sur la rentabilité de ce projet. Selon l’analyse de l’expert, le secteur de l’Energie au Nigeria est marqué par le poids dominant de l’industrie pétrolière et gazière, procurant 75 % des recettes du budget national et 95 % des revenus d’exportation et les réserves prouvées de gaz naturel sont estimées à 5.300 milliards de mètres cubes gazeux. L’expert a noté dans son analyse qu’avec les tensions budgétaires que connaît l’Algérie, il y a lieu de ne pas renouveler l’expérience du projet GALSI, Gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie, qui devait être mis en service en 2012, d’un coût initial de 3 milliards de dollars et d’une capacité de 8 milliards de mètres cubes gazeux, devant approvisionner également la Corse. Abderrahmane Mebtoul a souligné dans l’analyse que pour arriver à un marché du gaz qui réponde aux normes boursières du pétrole, il faudrait que la part du GNL passe à plus de 80%.
Le gazoduc algéro-nigérian met fin à l’ambition marocaine
Le ministre nigérian du Pétrole, Timipre Sylva, a révélé que son pays avait commencé à mettre en œuvre le projet de construction du gazoduc algéro-nigérian, une démarche qui devrait mettre un terme à l’ambition marocaine. Silva a déclaré, dans un entretien avec la CNN, que malgré la présence de nombreux problèmes rencontrés par le projet de gazoduc Nigéria-Algérie, « nous avons commencé à mettre en œuvre le projet et à construire le gazoduc du sud nigérian au nord vers l’Algérie ».
Le ministre nigérian a ajouté que son gouvernement avait commencé la construction d’un gazoduc pour transporter le gaz vers l’Algérie, qui, à son tour, le transférera vers d’autres pays africains. L’ambassadeur du Nigeria à Alger, Mohammed Mabdul, avait déclaré dans un entretien accordé au quotidien nigérian Punch, que le projet de gazoduc Trans-Saharan Gas-Pipline (TSGP), reliant le Nigeria à l’Europe via l’Algérie est très important, en soulignant qu’ « il générerait beaucoup d’argent à la fois pour le Nigeria et les autres pays qui y participent ». Pour rappel, le diplomate avait confirmé que le Nigeria pourrait fournir à travers ce gazoduc 30 milliards de mètres cubes de gaz par an et que « les réserves de gaz au Nigeria sont quasi-illimitées ». Il a précisé que l’Algérie dispose d’un potentiel en matière de transport et de liquéfaction du gaz d’un réseau de gazoducs de plus de 2000 km ainsi qu’elle possède la quatrième plus grande réserve de gaz au monde, en fournissant une grande partie des besoins en gaz de majorité des pays européens. L’ambassadeur avait également indiqué « grâce à son infrastructure gazière et son réseau de gazoduc, l’Algérie est en mesure de connecter le champ gazier de Hassi R’mel à celui du Nigeria en passant par le Niger ».
Le projet gazoduc Algérie-Nigeria est rentable pour les deux pays. En dépit des ambitions marocaines et les tentions dont passe ce projet, l’Algérie reste privilégiée, ce qui lui permettra d’augmenter ses bénéfices financièrement et stratégiquement.