Vers le bas, la rue N’fissa dans la haute Casbah, une embouchure mène vers l’impasse du regard, à la maison natale d’El Badji el Bahri, Dans la vielle maison de l’ancienne médina d’Alger dont dit El Badji El Bahri, qu’il est impossible de se départir de ce bon vieux quartier qui a vu enfance et adolescence se modeler dans un moule qui n’a nulle part ailleurs son pareil. Le navigateur et artiste, quand il n’est pas en mer, vient humer les effluves de cette partie du vieil Alger, dans la « houma » de sa naissance. La maison de sa naissance. Parce que le jeune El Badji insiste « Je suis né à la maison et non pas à l’hôpital ou dans une clinique. Ici, même » de petites pièces, « ouast eddar » (le centre de la maison), les vieilles poutres, le plafond en bois…
Sa mère a été pour beaucoup dans sa carrière de marin depuis maintenant trente bonnes années. Un stage de formation à l’école de Bou Ismaïl, ensuite sur le tas à bord d’un bateau. Et voilà le jeune M’hamed Mezarar de son vrai nom, parti pour sa première aventure en mer, il n’avait que 18 ans. Mais depuis, El Bahri se dit repu. Même s’il reconnait avoir toujours un faible pour la mer. Comme il confesse être possédé par la musique, le chaabi en prime, bien sûr comme « gâa ouled l’bled », lui, le fervent admirateur d’El Badji, et l’inconditionnel de Amer Ezzahi. Beaucoup d’influence, d’inspiration aussi de ces deux maîtres. Sans plus. El Badji el Bahri qui a reçu ce surnom lors d’un concert en 1999 (du vivant du grand El Badji), où il passait pour la première fois sur scène, où il a été spontanément présenté pour faire la différence à travers El Bahri (le marin) en rapport avec son métier, avec Mohamed el Badji l’aîné, refuse de faire valoir cette similitude. Ce surnom d’artiste lui vient d’un pote à lui de Bab El Oued Sid Ali Feriekh. Et il le porte bien, avec son inséparable polo marin, ses pantalons jeans et sa casquette. Il ne s’en sépare pas.
La notoriété, il l’acquiert de bouche à oreille. Ce qui le mène à la radio, la télévision, vers la presse écrite et bien sûr les inconditionnelles cérémonies de fêtes traditionnelles, circoncision, mariage… pour lesquelles il est sollicité. Il y a même chanté avec Ezzahi à sa demande ! Sa fierté de toujours ! Et l’été venu, il ne chôme pas. Mais lui, ne pratique pas l’art, tient-il à préciser, pour l’argent. M’hamed et la musique, ils se sont connus dans les rangs des Scouts musulmans algériens, avec la chorale dans laquelle il chantait avec Nadia Ben Youcef. Il dit y avoir appris à chanter et il a aimé. Puis, c’est la première guitare en nylon vendue dans les grandes surfaces, plus précisément à l’ancien monoprix de la rue Larbi Ben M’hidi. C’était en 1972, elle lui a coûté 78 dinars. Il apprend à gratter sur l’instrument qu’il va bientôt apprivoiser. Non il n’y a pas eu pour El Badji el Bahri de conservatoire et pas d’opposition formulée par Didou comme il appelait son père « Car, il était lui-même bon vivant et goûtait à la musique.
Alors, il reste à l’écoute de sa société, de ses préoccupations, de ses aspirations. Pour écrire des textes dédiés à l’orphelin, aux enfants de parents séparés, comme la chanson dans laquelle il fait chanter ses deux enfants, Nachoua et Souheib, le divorce, les fléaux sociaux, la jeunesse, ses rêves et son mal-vivre… Il garde une place aussi à la chanson de fête. Avec textes et musiques d’El Badji El Bahri qui insiste sur le fait qu’il n’est pas intéressé de faire dans la reprise, l’imitation. «Je chante ce que moi, je ressens. Je peux parfois faire une entorse à ce principe-là, dans les fêtes que j’anime mais souvent ce sont mes chansons que j’interprète. Je suis mon intuition, mon inspiration. Mais je suis aussi redevable à des paroliers dont les textes constituent le contenu de mon second et prochain album comme Yacine Ouabed, Yacine Bouzama, Mohamed Sergoua, Nacer Bouzergui. Dont quelques titres « el harga », le divorce, el kif qui fait des ravages au sein de la jeunesse, et puis il y a aussi cet hommage que j’ai écris pour Mohamed El Badji avec pour chaque strophe, un extrait de ses textes chantés par lui. Il y a aussi le phénomène du jeu à travers le portrait d’un joueur, un clin d’œil à l’humiliation « el hogra »… et bien d’autres morceaux encore. Il cite Djamel Koukou des Studios d’enregistrement Amadius où il a pu mettre sur bande son produit. Lui a composé aussi les génériques d’émissions radiophoniques comme « El qahwa oua letey » en nocturne sur les ondes de la chaîne III et puis «Rihet el yasmine » sur radio El Bahdja. El Badji el Bahri continue de chanter et d’aimer la musique, avec ce faible pour la mandoline, le violon, le piano, le banjo et la guitare. Lui qui a travaillé avec les musiciens Mokhtari et Hamid Guendouz.