Le centenaire de la naissance d’un des plus grands écrivains algériens d’expression française des années cinquante, Mohamed Dib, revient sur les lèvres ces derniers temps de façon intermittente. Et ce n’est pas volé ! Le père de la trilogie « La grande maison », « L’incendie » et « Le métier à tisser », revient généreusement à la mémoire. A juste titre. Lundi dernier au soir, place à la musique, théâtre et musique pour célébrer un auteur aux multiples facettes et à l’œuvre hétéroclite.
Le lieu choisi pour ce cérémonial grandiose digne de Mohamed Dib, le palais de la culture d’Alger Moufdi-Zakaria, où un public clairsemé a assisté à la soirée hommage non sans un respect strict des mesures barrières, en ces temps de pandémie du corona virus.
Le bal s’ouvre sur l’orchestre symphonique de l’institut national supérieur de musique (INSM) conduit par le maestro Lotfi Saidi. Sous la baguette de ce chef d’orchestre, les musiciens, une quarantaine, ont entamé des morceaux universels du XVIIIe, XIXe et XX siècles. Ces oeuvres ont été suivies de l’interprétation de titres musicaux nationaux qui ont retrouvé une nouvelle sonorité, sans rien altérer à l’original avec les arrangements apportés par Hocine Bouifrou. Pour accompagner ce patrimoine algérien, les voix de Saidi, Anissa Hadjerssi, Rayane Bensib et Yasmine Tail, et celle des ténors Imad Eddine Eddouh, Ahmed Abdelhadi (Hamada) et Massinissa Kaci. L’auditoire a longtemps applaudi ces prestations remarquées offertes également par la chorale polyphonique Ranine, sous la houlette de Wiam Benmara-Benhamouda. Le programme musical a comporté l’ode à l’Algérie, montée sur la cantate scénique, dans un tonnant enchaînement de “Carmina burana” ; Fortuna” de Carl Orff, et un texte écrit par Rabeh Kadem dédié à la fibre patriotique. Et pour rester dans les tons, un hommage dans un autre, Lamine Bechichi, homme de culture et à la sensibilité musicale nationaliste, disparu récemment, est ressuscité à travers l’instrumental de sa composition, qui a servi de générique au feuilleton El hariq, adapté pour la télévision par le réalisateur Mustpaha Badie de l’Incendie, en 1974. Dans le même sillage, une reconnaissance a été consacrée au personnage de Aïni, superbement campé dans le téléfilm, par l’indétrônable, Chafia Boudraa, absente de la cérémonie pour des raisons de santé, selon les propos de la ministre qui présidé cet hommage.
Après la musique place au 4e art et aux belles lettres C’est dans la suite du programme hommage qui a fait intervenir, en un court montage théâtral et poétique, d’un extrait de l’œuvre l’Incendie. Cette intervention donnéz à apprécier sous le titre “Dans le sanctuaire de Mohamed Dib”, tiré de “l’Aube Ismael” de Dib, a été lue par la jeune Kaouther Fatmi (12 ans), dans une mise en scène d’Ahmed Rezzag et une production signée le TNA (Théâtre national algérien) Mahieddine Bachtarzi. Une brochette de comédiens, dont Mohamed Frimehdi, dans le rôle de l’auteur, Mourad Oudjit, Nabila Ibrahim et Nesrine Belhadj se sont donné la réplique.
Puis arrive la danse. Elle est savamment exécutée par la chorégraphe Nouara Idami qui a donné libre corps à des mouvements empreints de la marginalisation dont avait souffert Dib, par ricochet, l’exclusion de l’”Artiste”, titre de cette chorégraphie, dans notre pays. Huit danseurs et ballerines ont accompli les moindres contours dessinés par la chorégraphe s’inspirant du texte de Moussa Noun, de la musique du Trio palestinien “Jobrane”, et de l’idée de Tarek Mirch.
Toujours, “L’incendie” ainsi que “Mille hourras pour une gueuse” “Le métier à tisser”, ont aussi fait l’objet d’un autre montage théâtral que le Théâtre régional de Constantine (TRC) a produit à partir d’une mise en scène de Karim Boudechiche. Six comédiens se sont associés à cette oeuvre dont Hakim Dekkar. Dans un deux en un, puisqu’il a été par la même, rendu un autre hommage à Noureddine Bechkri, grand comédien et ancien directeur artistique du TRC.
Danse encore, la chorégraphe Khadidja Guemiri et son partenaire Yahia Zakaria Hadj Ahmed, ont interprété, “Hadhrat el hob”, conçu et mis en scène par Khadidja Guemiri sur un texte de Bachir Gharib et une musique de la Tunisienne Dorsaf Hamdani. Un spectacle tout en mouvements fait de grâce et de beauté.
Dib, l’espace de deux heures d’hommage bien mérité, a été revisité en plus de cette annonce de la ministre de la Culture Malika Bendouda qui s’est engagée à faire traduire vers l’arabe les œuvres et les adapter au théâtre et au cinéma, de cet auteur méconnu desAlgériens, non enseigné à l’école, très peu promu à sa juste valeur. Un rattrapage avec cette autre décision prise de faire éditer l’écrivain en format poche. Cette alternative fait office d’invitation à l’adresse des écrivains, traducteurs et scénaristes auquel le ministère de la culture met à disposition des résidences d’écriture.