La numérisation constitue un vecteur déterminant dans le développement économique et social de tout pays. C’est un levier essentiel de démultiplication des gains de productivité et d’accroissement de la compétitivité, voire même un enjeu de souveraineté, un impératif d’ordre stratégique.
C’est ce que soutient le directeur de l’Ecole nationale supérieure de l’informatique (ENSI), le Pr Mouloud Koudil, qui a affirmé, ce lundi sur les ondes de la Radio nationale, qu’«il faudra lutter contre les résistances au processus de numérisation», précisant que «c’est le bon chemin à prendre, car les pays qui ont réussi ont placé cette action au plus haut niveau de l’Etat».
En outre, l’invité de la Radio nationale, se référant à la décision prise dimanche lors du Conseil des ministres par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, d’accélérer la cadence le travail pour entamer la deuxième phase du processus de numérisation, a ajouté que «tous les secteurs du pays sont concernés et tout le monde devra travailler, de manière coordonnée, dans le même sens pour réussir ce challenge». «Cette démarche devra être supervisée et coordonnée au plus haut niveau de l’Etat», a-t-il insisté.
Se voulant plus précis au sujet de la nécessité d’accélérer le rythme de la cadence, Pr Mouloud Koudil a souligné qu’«il ne s’agit pas d’une industrialisation où nous avons besoin de gros matériels. Le retard est rattrapable. Il faudra de la volonté, une feuille de route, une stratégie et laisser travailler ceux qui sont engagés dans ce processus».
Il est important de souligner, par ailleurs, qu’en dépit des difficultés liées au financement de la numérisation, la disposition d’une ressource humaine qualifiée et des procédures compliquées, les administrations relevant notamment des secteurs de l’intérieur, de la justice, du travail et de l’enseignement supérieur sont, dans une certaine mesure, celles qui ont enregistré les plus grandes performances en matière de dématérialisation du contenu et de mise en place de plateformes numériques. C’est pourquoi, a ajouté l’invité de la Radio nationale, «tout est basé sur la ressource humaine. Les pays qui se sont suffis de l’acquisition de matériels se sont trompés, car on finit par numériser de mauvaises pratiques. Il faudra des personnes qui prennent à bras-le-corps ce genre de projet avec une ressource humaine qualifiée car c’est la clé du succès».
Citant les secteurs les plus enclins à enclencher cette mutation, Pr Mouloud Koudil a indiqué que «s’il y a un domaine qui devra être plus agile dans cette mutation, c’est bien la formation», citant une enquête menée aux Etats-Unis d’Amérique selon laquelle 80% des métiers de 2030 sont encore inconnus. «Aujourd’hui, il faut former pour les besoins du pays, certes, mais il faudra aussi former aux standards internationaux auxquels on est appelé à s’inscrire. Après, il faut un dialogue entre tous les partenaires de tous les secteurs pour identifier leurs besoins en formation et créer justement une synergie», a-t-il souligné.
Au sujet de la fracture numérique, le même responsable a été aussi clair que précis en affirmant qu’elle «est facile à combler et ne nécessite pas de très gros moyens. Formons, et on y arrivera très rapidement». «Il faudra aussi faire face à la mobilité mondiale pour garder et faire revenir les talents formés chez nous. Et, ça, c’est un autre combat. Nous formons peu et nous perdons beaucoup de talents. Même les Etats-Unis n’arrivent pas à faire face à cette mobilité, tant interne qu’externe», a-t-il ajouté.
En réponse à la question des résistances qui risquent de freiner le processus de numérisation en Algérie, Pr Mouloud Koudil a estimé qu’«il faudra imposer une stratégie et une feuille de route. C’est très important, sinon chaque entité ira dans son sens. Du coup, il faut un chef d’orchestre qui mène le projet et coordonne les efforts. Je ne crois pas trop au choc générationnel, moi-même, je suis âgé et je crois au numérique».
Pour l’intervenant, «la résistance au processus de numérisation est humaine et il faut lutter contre cette fermeté à vouloir travailler avec des méthodes révolues. Il faut convaincre et imposer de nouvelles méthodes».
Pour le professeur Koudil, «il faudra investir davantage dans la numérisation et l’intelligence artificielle pour arriver à répondre à nos besoins. Dans certains pays, ces investissements se chiffrent à plusieurs milliards de dollars car les enjeux sont importants et majeurs. Après, il faudra également moderniser le fonctionnement des institutions, sinon on va numériser à tort. Aujourd’hui, il est vital d’avoir des données numérisées et protégées».
Citant le cas des entreprises, il dira qu’«avoir des données, c’est détenir l’information et mieux connaître ses clients pour fournir un bon service. Jeter l’information, c’est suicidaire. Aujourd’hui, on a peur de la chose qu’on ne connaît pas, mais si on se projette dans la formation et les bonnes pratiques, il y aura un retour sur investissement».
Partant de ce constat, le professeur Koudil plaide pour l’implication des personnes hautement qualifiées avec des juristes pour préparer la deuxième phase de la numérisation en Algérie. «Il faut des lois qui protègent et elles existent. Après, il faudra inspecter les algorithmes et les données qui pourraient venir d’ailleurs. A mon avis, il faut qu’il y ait des lois sur toutes les pratiques du domaine du numérique et du traitement de données», a-t-il mis en exergue.
Il est à préciser qu’au vu du nombre des projets de numérisation réalisés durant la période 2020-2023, jamais le pays n’a enregistré autant de plateformes et d’applications en direction des citoyens et des opérateurs économiques (plus de 300 services publics numérisés relevant des différents départements ministériels). De même que l’administration n’a jamais connu autant d’avancées dans la numérisation de ses activités de gestion (gestion de la ressource humaine, financière et comptable, logistique…).