A l’instar des pays qui visent à protéger et prendre en charge les handicapés, l’Algérie célèbre aujourd’hui, dimanche, la Journée internationale des personnes handicapées proclamée par les Nations unies en 1992 dans le but de favoriser leur intégration et leur accès à la vie économique, sociale et politique.
Aussi bien les pouvoirs publics que les associations créées à cet effet seront de la partie pour faire de cette journée l’occasion de réaffirmer un principe de base, à savoir que tous les êtres humains naissent libres et sont égaux en dignité et en droits.
Il est à souligner, par ailleurs, que les personnes en situation de handicap en Algérie constituent l’une des franges les plus vulnérables de la société, d’où la nécessité de mettre en place des mécanismes en matière de législation et d’institutions ainsi que des stratégies efficientes nationales dans le but de les protéger et préserver leurs droits.
Contactée par nos soins, la présidente de la Fédération algérienne des personnes handicapées (FAPH), Atika Mameri, nous a indiqué : «S’il reste encore quelques lacunes, notamment dans le volet de l’insertion des personnes handicapées dans le monde du travail et les commodités nécessaires à leur déplacement, il est important de souligner que l’Etat algérien est résolu à rendre la dignité à cette catégorie de citoyens à travers de nouvelles dispositions et une prise en charge digne de ce nom.»
Elle a cité, entre autres, «la Caisse nationale d’assurances sociales, un parfait exemple dans le bon traitement accordé aux personnes handicapées, qui a adopté en 2021 de nouvelles mesures dans le but d’améliorer les conditions des assurés sociaux de la catégorie des personnes à besoins spécifiques».
Pour étayer son argumentaire, notre interlocutrice a résumé l’approche des pouvoirs publics en la matière en affirmant que «la loi algérienne définit ce qu’est le handicap et établit des mesures d’intégration et d’autonomisation à l’intention des personnes handicapées. Elle dispose, en outre, des mesures à prendre pour leur donner pleinement accès à la santé, à l’éducation, à l’emploi… Cette catégorie présente un intérêt capital pour les pouvoirs publics».
«Les personnes handicapées ont démontré qu’elles peuvent participer à la vie économique et socioculturelle du pays»
C’est pourquoi, selon Atika Mameri, «l’Algérie commémore la Journée internationale des personnes handicapées comme une année entière pour relever le défi et améliorer la réalité de cette catégorie dans divers domaines».
Interrogée sur ce que peut apporter de positif l’intégration des personnes handicapées dans notre société, la présidente de la Fédération algérienne de personnes handicapées a répondu : «Les personnes handicapées ont démontré qu’elles peuvent participer à la vie économique socioculturelle du pays. Mais l’accompagnement d’une personne ayant un handicap doit être appréhendé dans sa globalité et dans tous les lieux fréquentés par cette dernière : structure d’accueil de la petite enfance, établissements de santé, d’enseignement et de formation, structures d’activités culturelles, sportives, artistiques et de loisirs, transports.»
«Ce n’est pas aux personnes en situation de handicap à trouver leur place dans la société, mais c’est bien à la société de s’adapter et de leur faire une place. Nous pouvons d’ailleurs tous être, à un moment, en situation de handicap. C’est pourquoi la société doit offrir les conditions à chacun non seulement de s’épanouir personnellement, mais aussi d’obtenir une reconnaissance sociale», a mis en exergue Mameri.
«Le taux d’emploi des handicapés est faible car les employeurs sont réticents»
Par ailleurs, en matière du manque d’accès au travail pour cette frange de la société, Atika Mameri a indiqué : «Mises au ban de la société malgré les efforts des pouvoirs publics, les personnes aux besoins spécifiques souffrent du manque d’accès au travail, au logement, au transport et aux soins adaptés. Elles ne cessent, par exemple, de réclamer la nécessité d’augmenter le nombre de structures et d’organes de prise en charge.»
Elle estime dans ce sens que «la mise en place de structures adéquates reste insuffisante. Ces personnes continuent à rencontrer de grandes difficultés pour trouver un emploi ; leur taux d’emploi est faible car les employeurs sont réticents». Et de souligner le fait selon lequel «le seul et unique moyen civilisé qui permette effectivement l’émancipation et l’épanouissement de la personne aux besoins spécifiques est de pouvoir mener un mode existentiel conforme au droit et à la dignité humaine».
Et d’évoquer la loi sur la promotion et l’insertion des personnes à besoins spécifiques en indiquant : «Celle-ci leur assure l’intégration aux plans social et professionnel par notamment la création de postes d’emploi et leur garantit un revenu minimum. Cette loi donne accès au travail, fixant le pourcentage à 10 % des effectifs. Elle leur crée, par ailleurs, les conditions leur permettant de participer à la vie économique et sociale. Tel est le cadre législatif fixé en faveur de cette catégorie de travailleurs.»
«Insérer professionnellement ces personnes quand elles sont en âge de travailler»
Or, selon notre interlocutrice, «de grandes difficultés persistent dans ce domaine. Le taux d’emploi des personnes aux besoins spécifiques ne dépasse guère les 10 % de l’ensemble de cette frange de la société. Une situation persistante que ni les idées reçues sur le handicap ni les difficultés rencontrées par certaines entreprises pour aménager l’environnement dans le travail ne suffisent à expliquer».
Comme solution qu’elle juge idoine, Atika Mameri suggère que «la meilleure manière de réussir ce volet est de signer des conventions avec des organismes recruteurs et de mettre en place des dispositifs de sous-traitance afin d’insérer professionnellement ces personnes quand elles sont en âge de travailler».
Pour sa part, le chercheur en sociologie et enseignant universitaire Abdelkrim Hamzaoui s’est montré réticent en matière de prise en charge des handicapés en Algérie. «Avant que ce soit une affaire de pouvoirs publics, c’est avant tout une affaire sociétale», a-t-il d’emblée souligné avant de s’interroger sur la réelle insertion des handicapés dans la vie quotidienne : «Une famille peut-elle accepter une femme handicapée pour le fils et vice-versa ? La société a donc un très grand rôle à jouer dans cette équation.»
«L’inexistence de passages réservés aux handicapés fait des villes un enfer pour les personnalités à mobilité réduite»
Par ailleurs, d’autres écueils se dressent face aux personnes handicapés, selon notre interlocuteur. «Un autre problème concerne le transport : la prise en charge dans le transport urbain est obsolète et aucune obligation n’est faite aux transporteurs privés d’assurer la gratuité des prestations ou, tout au moins, la priorité à cette catégorie de citoyens», a-t-il relevé.
«L’inexistence de passages réservés aux personnes à mobilité réduite et l’absence de la signalétique nécessaire font des villes algériennes un ‘’enfer’’ pour les personnes souffrant d’un handicap», a-t-il déploré. Et d’ajouter pour étayer son argumentaire : «Il n’y a pas de places de stationnement réservées à ces personnes dans les parkings, ni de priorité d’accès aux services publics tel que stipulé dans les textes de lois.»
Aussi, pour le sociologue Abdelkrim Hamzaoui, «de nombreux autres types de transport public, comme les trains, les taxis et les autobus sont inaccessibles aux personnes handicapées. Ces dernières doivent recourir à des formes de transport plus coûteuses ou à leur voiture privée». C’est pourquoi, insiste notre interlocuteur, «il est du devoir de la société et de l’Etat de prendre en charge les doléances des personnes handicapées qui méritent tout le respect à l’égard de leurs capacités d’organisation et d’accomplissement de leurs devoirs, sans se cacher derrière leur handicap et surtout leur participation aux efforts du développement du pays».
Il faut savoir, par ailleurs, que l’Algérie compte plus de 2 millions de personnes en situation de handicap, selon l’Office national des statistiques. La même source précise que le handicap moteur est le plus important (44% des personnes en situation de handicap), suivi par le handicap lié à la compréhension et la communication (32%) et le handicap visuel (24%).
En outre, l’analyse des causes des handicaps en Algérie révèle que 28,5% des cas sont des atteintes congénitales ou héréditaires, 16,7% des séquelles d’accidents ou de blessures, 14,2% de maladies infectieuses, 12,5% d’effets de vieillesse, 7,9% de violences psychologiques ou physiques et 2% de traumatismes d’accouchement.
Ces quelques chiffres illustrent parfaitement la proportion importante que représente cette frange au sein de la société et, ce faisant, la volonté, l’intérêt et l’importance et la diversité des actions que requiert leur prise en charge effective, conforme aux standards internationaux et aux engagements des pouvoirs.