L’importance d’activer des mécanismes de gestion des déchets dans le cadre d’une approche économique globale avec, pour objectif, la contribution au développement est le défi que s‘est lancé le ministère de l’Environnement eu égard au grand volume des déchets ménagers produits annuellement en Algérie.
C’est pourquoi, la stratégie nationale adoptée par les services du ministère, en collaboration avec l’Agence nationale des déchets, a pour objectif de parvenir, à l’horizon 2035, à la valorisation des déchets au lieu de leur enfouissement à travers l’exploitation de 30% des déchets ménagers, 30% des déchets spéciaux et 50% des déchets inertes. Cette stratégie vise également à intégrer les nouvelles technologies, y compris l’intéressement des startups, la numérisation et le développement des déchets à travers l’ouverture de portails électroniques permettant de numériser le processus de collecte des déchets recyclables et de les mettre à la disposition des entreprises spécialisées.
«Il manque souvent aux communes les structures et les procédés efficaces pour faciliter la collecte»
Par ailleurs, il est important de souligner que, si des investissements considérables ont été réalisés ces dernières années pour promouvoir le secteur de la gestion des déchets, il n’en demeure pas moins qu’il manque souvent aux communes les structures et les procédés efficaces pour faciliter leur collecte et leur transport ainsi que le nettoyage des voies publiques, mais également pour sensibiliser davantage les citoyens à mieux respecter leur environnement.
Pour Besma Belbejaoui, ingénieure en environnement et fondatrice de la première entreprise de gestion des déchets en Algérie, Plasticycle Algérie, «la question de la gestion des déchets en Algérie est d’une importance capitale eu égard aux retombées que cela engendre pour l’économie nationale». «Conscient des enjeux environnementaux du développement durable, le ministère de l’Environnement n’a pas hésité, dès les années 2000, à entreprendre des actions visant la préservation de l’environnement, notamment en matière de gestion des déchets solides», a-t-elle ajouté non sans souligner que «ces derniers sont un des principaux enjeux environnementaux auxquels doivent faire face au quotidien les collectivités locales».
«La question de la gestion des déchets en Algérie est d’une importance capitale»
Par ailleurs, «l’irrégularité des passages des camions de collecte des ordures ménagères, ajoutée à la faiblesse du taux de recyclage des déchets industriels riches en matières organiques provenant principalement de l’industrie agro-alimentaire, influe négativement sur les ambitions tracées par le ministère en matière de recyclage», a souligné notre interlocutrice qui maintient mordicus que « le ministère de l’Environnement n’est pas le seul secteur concerné par cette question».
Interrogée sur les mesures prises par les pouvoirs publics pour faire face à cette question environnementale, Besma Belbejaoui a répondu : «Outre l’Agence nationale des déchets, d’autres organismes sont venues prêter main forte, en l’occurrence le Centre national des technologies plus propres, l’Observatoire national de l’environnement et le Centre national des formations à l’environnement». Notre interlocutrice n’a manqué de mettre l’accent sur le fait que «le secteur de la valorisation des déchets reste vierge et les procédés de recyclage en Algérie sont loin d’atteindre les objectifs malgré toute la volonté politique en la matière.» «La biomasse issue des déchets industriels riche en matières organiques provenant principalement de l’industrie agro-alimentaire peut être une source d’énergie très intéressante pour l’Algérie et peut être utilisée aujourd’hui pour créer des produits commerciaux et industriels tels que les lubrifiants, les solvants, les adhésifs, les carburants et même de l’électricité», a-t-elle souligné.
«L’Algérien produit annuellement 11 millions de tonnes de déchets dont 10 % est recyclée»
Au sujet de la question de l‘implication du secteur privé, notre interlocutrice n’a pas manqué de préciser qu’«étant un acteur incontournable dans cette équation, le secteur privé peut à lui seul créer environ 40.000 emplois directs et plus de 200.000 indirects. Par cette mesure incitative, il est notoirement établi que cela vise à encourager l’implication des jeunes investisseurs dans ce volet d’activité», non sans préciser que «l’Algérien jette chaque année quelque 11 millions de tonnes de déchets ménagers et moins de 10 % de cette énorme quantité est recyclée», et ce, pour situer l’énorme retard que compte l’Algérie dans la récupération de ses déchets ménagers.
De son côté, l’expert en économie Brahim Guendouzi n’est pas allé avec le dos de la cuillère. «La question de la gestion et de la récupération des déchets ménagers en Algérien n’a pas encore atteint le stade escompté pour accompagner le développement de l’économie nationale», a-t-il déploré. Pourtant, pour notre interlocuteur, «des spécialistes en la matière ont, maintes fois, réitéré la place importante accordée au concept de l’économie circulaire comme modèle économique du développement durable avec, comme objectifs sous-jacents, la réduction du gaspillage et l’amélioration de la gestion des déchets par un tri sélectif ainsi que leur valorisation par des méthodologies innovantes». Et d’ajouter en guise d’explication : «La création de l’Agence nationale des déchets en collaboration avec les services communaux vise à englober toutes les composantes de la chaine de valorisation des déchets. Les résultats seront facilement reproduits à l’échelle régionale et nationale. Il sera ainsi possible de gérer les déchets à la source par la réduction ultime des déchets, la réduction de la distance de transport aux lieux d’enfouissements, la valorisation à travers leur transformation en engrais organiques et la promotion de leur gestion intégrée aux niveaux régional et national.»
«L’industrie du recyclage des déchets draine des sommes colossales et emploie des milliers de personnes»
Pour Brahim Guendouzi, «l’industrie du recyclage des déchets, qui draine des sommes colossales et emploie des milliers de personnes, est d’être une réalité en Algérie, qui se situe aux antipodes de ce qui se fait ailleurs sous d’autres cieux». Plus grave, selon notre interlocuteur, «en Algérie, une vingtaine d’activités produisent des déchets recyclables, mais l’aberration réside dans le fait que de nombreuses entreprises algériennes sont dans l’obligation de faire appel à l’importation de matières, dont une bonne partie est enfouie dans nos décharges. L’Algérie ne dispose ni d’industrie de recyclage des déchets ni de catalogue de ses déchets. Le tri sélectif à la base de toute industrie de recyclage des déchets a de tout temps été renvoyé aux calendes grecques».
