Le commerce en ligne en Algérie, ou e-commerce, est une nouvelle activité qui commence à prendre de place sur le marché national. Toutefois, faire les achats sur internet mettra le consommateur dans l’incertitude. Plusieurs ménages ayant commandé des produits en ligne ont été «arnaqués» en recevant des produits et appareils de moindre qualité, qui, parfois, ne fonctionnent même pas… En effet, selon certaines indiscrétions, nombreuses sont les victimes d’escroquerie qui ont fait confiance à des vendeurs en ligne via les plateformes des réseaux sociaux. Aussi, quand on parle d’e-commerce, on évoque également la possibilité d’une cyber-arnaque, un phénomène devenu de plus en plus récurrent en Algérie.
Il est important de mettre en exergue le fait qu’il devient de plus en plus fréquent que des internautes algériens se fassent escroquer en ligne. En effet, le nombre de plaintes portées au tribunal à ce sujet a augmenté ces dernières années. Par conséquent, le législateur algérien a établi des sanctions visant à punir ce genre de délit.
Pour la précision, en 2018, les pouvoirs publics ont adopté un cadre juridique en matière de commerce électronique. La loi 18-05 définit l’e-commerce comme l’activité par laquelle un e-fournisseur propose ou assure à un e-consommateur, à distance la fourniture de biens et de services. Un fichier national des e-fournisseurs est mis à la disposition des e-consommateurs avec une inscription au Centre national des registres du commerce ou de l’artisanat et des métiers.
«L’arnaque, un problème récurrent que beaucoup d’acheteurs en ligne rencontrent»
Contacté par nos soins, le président de l’Association de protection du consommateur Himayatec, Mohamed Aïssaoui, considère que «c’est un problème récurrent que beaucoup d’acheteurs en ligne rencontrent. A cause de ce genre de comportement, le commerce électronique aura des difficultés à se développer dans notre pays». «Le commerce électronique est inexistant en Algérie. Pour avoir une réelle activité du e-commerce, il faut que le paiement soit également développé. Actuellement, les plateformes et sites activant dans ce domaine proposent des produits et le paiement se fait en espèces», a-t-il ajouté.
Interrogé sur la meilleure manière d’éviter ce genre de fraude, notre interlocuteur a répondu : «Le meilleur bouclier contre les dépassements et les arnaques sur Internet est la création d’un contrôleur électronique du commerce spécialisé et formé dans le domaine des technologies. Ce dernier assurera la surveillance des transactions commerciales du réseau en recherchant les infractions portant atteinte aux droits des consommateurs. D’autre part, il faut penser à l’amendement de la loi portant sur le commerce électronique pour aller vers une meilleure protection du consommateur et installer une confiance entre le fournisseur électronique et le consommateur.»
«Le meilleur bouclier contre les arnaques est la création d’un contrôleur électronique du commerce»
Voulant savoir si l’association qu’il préside a déjà eu à traiter ce genre d’affaires, Mohamed Aïssaoui a indiqué : «Effectivement, nous avons eu à traiter ce genre de dossier. Nous avons été sollicités par un grand nombre de consommateurs victimes d’un artisan menuisier qui avait escroqué beaucoup d’internautes avec une annonce sur Internet. Ce dernier prenait la commande et les mesures, en plus d’une avance de 50% du coût des articles commandés, puis il disparaissait sans laisser de trace.»
Et de poursuivre quant à la réactivité de son association : «Nous saisissons, dans ce genre de situation, la Direction du commerce et le ministère du Commerce. Nous optons également pour la voie de la justice afin de rétablir le consommateur dans ses droits.» Et d’ajouter : «L’innovation dans la technologie financière améliorera les industries de paiement. Il y aura plusieurs entreprises spécialisées dans les services de paiement au lieu d’une seule comme c’est le cas actuellement. Cela contribuera à concrétiser la nouvelle orientation de l’Algérie, donnera l’occasion aux innovateurs de moderniser les systèmes de paiement et fournira des solutions au commerce électronique que l’on ne saurait séparer de la finance numérique.»
«Le rôle des associations est complémentaire de celui de l’administration. Notre champ de compétence est limité à la sensibilisation et au dépôt de plaintes au niveau des instances et services compétents. Nous ne sommes pas des contrôleurs et nous n’avons pas de budget, mais cela ne freine pas notre engagement et notre volonté de changer les choses pour mieux protéger le consommateur», a-t-il conclu.
De son côté, Me Merouane Azzi, avocat au barreau d’Alger, est encore plus explicatif à ce sujet. «Internet est loin d’être cette grande plateforme virtuelle soucieuse de notre bien-être. Bien au contraire, elle ne cesse de surprendre tous les jours que Dieu fait par ses griffes acérées qui laissent des traces sur le passage d’internautes dont le seul tort était d’avoir cru que la technologie pouvait être facilement domptée pour être utilisée sans s’exposer à des escroqueries, des arnaques et d’autres dangers de la toile. Fraude, abus de confiance, tromperie sur la qualité, fausses relations et transactions, intimidations et harcèlement et bien d’autres scénarii sont à déplorer», a-t-il indiqué. Interrogé au sujet de la législation en vigueur, notre interlocuteur a répondu : «En 2018, les services de sécurité, tous corps confondus, ont adopté un plan d’action complémentaire qui a pour mission principale de doter le personnel de moyens technologiques innovants pour lutter contre toutes les formes de cybercriminalité et garantir à tous un espace numérique sans danger. Aujourd’hui, le phénomène ne connaît pas de frontières et les services de sécurité ont procédé à la création de brigades cybercriminelles dans chaque wilaya. Ces dernières misent sur les campagnes de sensibilisation des utilisateurs d’Internet. Le citoyen peut signaler un dépassement, une infraction ou un crime constaté sur les réseaux sociaux en appelant le 15-48 ou en contactant la DGSN sur les pages de ses réseaux sociaux et déposer plainte au niveau des brigades. Cela permettra la prise en charge des victimes par des experts qui mèneront les investigations pour ce genre de crime. Aujourd’hui, les mêmes services de sécurité sont parvenus à mettre hors d’état de nuire des personnes impliquées dans des crimes liés à la sécurité des systèmes informatiques, d’escroquerie via Internet et d’autres formes de cybercriminalité.»
«Une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans et une amende de 20.000 DA à 100.000 DA»
«La loi algérienne prévoit une peine d’emprisonnement qui va d’un à cinq ans ainsi qu’une amende de 20.000 à 100.000 DA, et les victimes ont le droit d’obtenir une indemnisation du préjudice matériel et moral», nous a indiqué Me Merouane Azzi. Pour la précision, a ajouté notre interlocuteur, «la loi impose à l’ensemble des professionnels du e-commerce d’obtenir un nom de domaine, doté d’une extension “.dz” pour conférer une légitimité à leurs activités et apporter de plus grandes garanties aux consommateurs».
Pour sa part, l’expert en économie El Houari Tigharsi a mis en avant «l’importance de l’innovation dans les technologies financières pour le développement du commerce électronique et l’accès aux marchés internationaux qui nécessitent d’introduire les innovations technologiques et garantir leur sécurisation conformément à la nouvelle orientation de l’Algérie».
Ainsi, pour notre interlocuteur, «l’innovation dans les technologies financières revêt une importance capitale pour son impact sur le système financier mondial, qui subit une forte pression en raison de l’activité des technologies financières, dont le rôle s’étend à tous les secteurs, notamment celui du commerce, auquel elle apporte des solutions innovantes qui contribuent à son développement». Et d’ajouter avec conviction que «l’Algérie a besoin de ces solutions, d’autant plus qu’elle s’oriente vers l’encouragement des innovations dans divers domaines avec la révision de la loi sur la monnaie et le crédit, qui mettra en place un système bancaire et financier qui encourage l’innovation dans le domaine financier».
«Nécessité de sécuriser cette activité pour éviter toute tentative de fraude»
El Houari Tigharsi estime qu’«il est important de développer et de sécuriser cette activité pour éviter toute tentative d’infraction ou de fraude. Cette question nécessite la mise en place d’un cadre juridique pour organiser cette activité». Et d’ajouter : «La révision de la loi sur la monnaie et le crédit figure parmi les points requis pour le passage au dinar numérique afin de se mettre au diapason des évolutions que connaissent l’Algérie et le monde.»
Selon cet expert en économie, «le taux de bancarisation en Algérie ne dépasse pas les 50%, alors qu’il est de 76% dans le reste du monde. Ce taux devrait s’améliorer avec la création du dinar numérique et l’introduction des fonds du circuit informel dans le circuit bancaire».