L’Algérie suffoque en ce mois de juillet. Plus globalement, l’été 2023 se révèle être particulièrement ardent. Selon l’Office national de la météorologie (ONM), un important épisode caniculaire envahit une grande partie du pays. En effet, des températures record ont été enregistrées à travers le pays durant le mois de juillet en cours, ce qui nécessite la mise en place d’un mécanisme de suivi et d’alertes précoces pour limiter les impacts des dangers liés à la canicule, dans le cadre d’une stratégie d’adaptation au climat.
Depuis le début de ce mois de juillet, une vague de chaleur terrible s’est abattue sur les pays du pourtour méditerranéen, dont l’Algérie. Le thermomètre frôlant les 50 degrés dans plusieurs régions du pays, les organismes commencent à ressentir les méfaits de cette chaleur excessive.
«Avec le dérèglement climatique mondial, tout peut arriver»
Pour faire face à cette situation inédite et compte tenu de la durée de la période de canicule, les autorités sanitaires ont décidé de prendre les choses en main, en déclenchant le plan d’urgence ORSEC. Pour le Pr Abdelkrim Chelghoum, président du Club algérien des risques majeurs et directeur de la recherche à l’USTHB, «avec le dérèglement climatique mondial, tout peut arriver. On peut être confrontés à des incendies au mois de décembre et à des inondations en juin». C’est pourquoi, selon notre interlocuteur, «la végétation couvrant le contour méditerranéen est particulièrement exposée aux incendies et que l’Algérie, un pays semi aride, fait partie des points sensibles en termes de dérèglement climatique».
En plus des incendies et des inondations, Abdelkrim Chelghoum évoque d’autres phénomènes redoutables, à l’instar de la désertification, la sécheresse et l’avancée du désert qui menacent l’environnement régional. Etayant son argumentaire, l’expert en risques majeurs a indiqué : «Le changement climatique a des effets aussi désastreux sur l’économie que sur la société. Certains phénomènes météorologiques ou climatiques extrêmes, notamment la sécheresse, n’ont pas été sans conséquences sur les populations pauvres ces dernières années.»
«L’Algérie a toujours mis en avant l’importance d’atténuer les effets du changement climatique»
«Les pays pauvres et ceux en voie de développement sont les plus touchés par ce phénomène. Malheureusement, les pays qui souffrent ne sont pas la cause de ces changements, ce sont les pays développés qui en sont les premiers responsables», a-t-il indiqué. Pour cet expert, «ce phénomène a été identifié en 1830 dont l’origine était l’Europe avec ses grands pôles industriels qui ont commencé à engendrer l’évolution de ce risque majeur qu’est le réchauffement climatique et, par ricochet, le stress hydrique que nous sommes en train de vivre actuellement en Algérie».
Interrogé sur l’engagement de l’Algérie à l’effet de se mettre quelque peu à l’abri de ces effets dévastateurs, notre expert a répondu : «L’engagement par l’Algérie dans la lutte contre le changement climatique est concrétisé par des actes. L’Algérie a toujours mis en avant l’importance et l’urgence d’atténuer les effets du changement climatique.»
C’est pourquoi, en joignant l’acte à la parole, l’Algérie, selon le Pr Abdelkrim Chelghoum, a «ratifié l’ensemble des accords internationaux dans ce domaine. En 2015, elle a ratifié l’Accord de Paris sur le climat (COP21) et, en juin 1992, l’Algérie a signé la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) qu’elle a ratifiée en juin 1993. Elle a participé à la Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP25) qui s’est déroulée à Madrid du 2 au 13 décembre 2019».
Pour ce qui est des décisions prises au niveau national, notre interlocuteur a indiqué : «Au niveau national, l’Algérie a adopté le Plan national sur le climat (PNC) pour la période 2020-2030. Elaboré par la Commission nationale de l’environnement regroupant plusieurs secteurs concernés et un groupe d’experts et de chercheurs, ce plan comporte 156 actions réparties en trois actes : des mesures d’adaptation aux changements climatiques, des mesures d’atténuation des changements climatiques et la gouvernance du PNC.» C’est dire que, selon cet expert, «l’Algérie, à travers ce plan, vise à produire 27% de son énergie électrique à partir de ressources renouvelables à l’horizon 2030, soit 22.000 mégawatts».
«La relance du projet du Barrage vert fait partie des actions menées par l’Algérie»
«La relance du projet du Barrage vert, en vue de son expansion à une superficie de 4,7 millions d’hectares durant les prochaines années, s’inscrit également dans cette stratégie de lutte contre le réchauffement climatique. En 2019, l’Algérie a adopté le plan de relance de l’économie verte. Celui-ci a pour objectif d’encourager le recyclage et de promouvoir les industries de transformation. Il s’agit, aussi, de mettre en place des incitations fiscales pour les sociétés industrielles qui s’engagent à réduire les émissions de gaz à effet de serre et de déchets chimiques. En outre, l’Algérie s’est dotée d’un Commissariat national aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. Ce dernier œuvre à la consolidation de la stratégie nationale en matière d’énergies renouvelables et à la mise en place des meilleurs mécanismes permettant sa concrétisation. Le commissariat définit des stratégies sectorielles dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique», a-t-il souligné.
Pour Pr Chelghoum, «la prise de conscience de l’Algérie pour la lutte conte le changement climatique ne date pas d’aujourd’hui. Et pour cause, l’Algérie est parmi les pays les plus touchés par le phénomène du changement climatique et a, de tout temps, veillé à lutter contre ce phénomène par ses propres moyens, tout en marquant son intérêt en faveur de l’introduction de nouvelles dispositions constitutionnelles, en vue de préserver l’environnement». «Les efforts de l’Algérie dans la lutte contre le changement climatique ont été salués par le coordonnateur résident du système des Nations unies en Algérie, Eric Overvest», a-t-il souligné.
«L’Université algérienne renferme des laboratoires de recherche qui réalisent un nombre non négligeable d’études»
Nous avons également joint l’écologiste et expert en environnement, Abdelkrim Tedjani, qui nous a indiqué que «les phénomènes extrêmes, accentués par le changement climatique, marqueront, sans aucun doute à l’avenir, le quotidien des Algériens. Les études menées dans ce sens montrent que les scénarios futurs du climat mettent en évidence tantôt des pluies intenses de courte durée et parfois des périodes de sécheresse prolongées». Mais ces phénomènes n’empêchent pas notre expert d’être optimiste.
«L’Université algérienne renferme des laboratoires de recherche avec des enseignants-chercheurs qui réalisent un nombre non négligeable d’études sur les changements climatiques et leur impact sur l’eau et l’agriculture. Ces études, qui nécessitent des fonds pas toujours disponibles, méritent d’être valorisées et prises en considération. Nous espérons plus de collaboration entre l’Université et le secteur socio-économique pour d’éventuels projets de recherche», a-t-il souligné.
«Nous devons élaborer des stratégies à tous les niveaux»
Interrogé sur les actions à mener pour contrecarrer les conséquences de ce phénomène, Abdelkrim Tedjani a indiqué : «Nous devons élaborer des stratégies à tous les niveaux, notamment au niveau local, pour réduire l’impact dû à ce phénomène et, de manière générale, aux changements climatiques. Il faut s’attendre à ce genre d’événement et s’y habituer, dans la mesure où tous les scénarios futurs pour les années à venir prévoient des sécheresses plus prolongées et des pluviométries extrêmes de plus en plus intenses et fréquentes.»
Pour cet expert, «l’anticipation et la prévention demeurent la clé de la réussite pour minimiser les dégâts. Les pluies qui tombent après une longue période de sécheresse ne s’infiltrent pas facilement dans le sol mais ruissellent et causent des dégâts, du fait qu’elles circulent sous forme de torrents».
«Il est évident que l’adaptation au changement climatique ne peut être pertinente et efficiente que si elle se base sur des études et des données scientifiques fiables. L’adaptation est systématiquement fondée sur la vulnérabilité climatique. En d’autres termes, toute politique, stratégie ou tout plan d’adaptation au changement climatique, quelle que soit son échelle (globale, régionale, nationale ou locale) ne peut être qu’une réponse à la vulnérabilité climatique et vise donc à renforcer la résilience climatique d’un territoire donné par exemple. L’adaptation est également associée aux risques engendrés par le changement climatique. Aussi, cet aspect est fondamental dans les politiques publiques et pour la gestion du territoire par les collectivités locales. Il est aussi crucial pour la planification et la programmation du territoire, notamment à travers les instruments de planification de l’espace et tous les instruments d’aménagement du territoire qui doivent impérativement et sans concession tenir compte des risques engendrés par le changement climatique. Il est tout aussi impératif de considérer le risque climatique comme étant une menace sur les vies humaines, les infrastructures et les équipements publics (ponts, stations de dessalement de l’eau de mer, ports, etc.), sur les écosystèmes (littoral, oasis, forêts, steppe, etc.) et les services associés ainsi que sur les investissements publics et privés consentis par les pouvoirs publics et les acteurs privés. Il est crucial que ces éléments et investissements soient injectés en connaissance de cause des risques et vulnérabilités climatiques», a-t-il conclu.