L’autisme, cette maladie qui se traduit par un trouble neuro-développemental qui ne guérit pas et nécessite un suivi approprié, est un handicap dont la prise en charge requiert des structures spécialisées.
Selon des statistiques qui restent encore à vérifier, on recense plus de 500 000 autistes en Algérie mais très peu de places sont retenues pour la prise en charge de ce genre de malades souffrant dans l’indifférence presque totale de la société.
Aussi, la réussite dans la prise en charge des autistes demeure tributaire d’une considération spécifique de cette maladie, d’où l’importance de leur accorder une distinction particulière par rapport aux autres malades.
Et c’est pour toutes ces raisons que la date du 2 avril de chaque année a été choisie par l’OMS pour la décréter Journée mondiale de sensibilisation sur l’autisme qui a pour but de sensibiliser davantage les psychologues cliniciens, les parents d’enfants autistes ainsi que les médias sur la sensibilité de cette maladie et les dernières découvertes scientifiques pour soulager un tant soit peu ceux qui souffrent en silence.
«L’Algérie compte plus de 500.000 autistes»
Selon Dr Mohamed Tabari, psychologue spécialiste en autisme, que nous avons joint hier, «l’Algérie compte plus de 500.000 autistes avec un retentissement très divers d’une personne à l’autre».
«L’autisme fait partie des troubles envahissants du développement (auparavant appelés troubles du spectre autistiques). Ces derniers touchent davantage les hommes que les femmes. Ils peuvent être de sévérité très variable, parfois peu invalidants ou avec de grosses difficultés de communication, des incapacités au niveau des interactions sociales, des intérêts restreints et des comportements stéréotypés. Les premiers signes apparaissent souvent entre 18 et 36 mois», a-t-il indiqué d’emblée.
Interrogé sur les problèmes rencontrés par les autistes et les solutions pour l’insertion de cette frange de la société, notre interlocuteur a expliqué que «le problème majeur pour les parents réside dans le diagnostic tardif de ce trouble de développement complexe. Plus il est diagnostiqué précocement, mieux c’est pour l’évolution de l’enfant.
Le diagnostic du spectre autistique n’est pas chose aisée durant la période de la petite enfance, c’est-à-dire durant les trois premières années», selon Dr Mohamed Tabari qui n’a pas manqué de préciser : «Dès que les parents ou les professionnels (les éducatrices de crèche, les pédiatres et la grande famille) détectent quelques signes d’alerte, ils cherchent à diagnostiquer à travers la consultation médicale. Et là, on est obligé de passer par toutes les spécialités pour mettre le doigt sur l’origine des comportements de l’enfant.
Il faut passer par le pédiatre, le pédopsychiatre, le psychologue orthophoniste et une longue liste d’intervenants du secteur de la santé.» «Notre association a été créée en 2013 et nos premières activités ont été la sensibilisation des pédiatres », a-t-il précisé à ce sujet.
Pour ce qui est de la lancinante question de la scolarisation des enfants autistes qui constitue le problème le plus crucial, notre interlocuteur a indiqué : «La scolarité est un droit constitutionnel. Nous estimons que le meilleur endroit pour l’enfant, c’est le milieu ordinaire, c’est-à-dire des crèches adaptées, en fonction des capacités de l’enfant autiste.»
Il existe des autistes de haut niveau, scolarisables avec des meilleures notes et parlent même plusieurs langues. Certains se distinguent par rapport à d’autres enfants normaux, il suffit de leur en donner les moyens. Ils ont besoin d’accompagnement à travers des auxiliaires de vie. Un enfant autiste apprend différemment», selon le même orateur.
«De la précocité du dépistage dépend l’efficacité de la prise en charge»
Pour ce qui est du diagnostic, l’expert des questions autistes a affirmé : «En Algérie, le diagnostic des enfants ayant des troubles autistiques est souvent fait trop tardivement, ce qui retarde sa prise en charge. Pourtant plus le diagnostic est précoce, meilleur est le suivi.
Car de la précocité du dépistage dépend l’efficacité de la prise en charge.» «Mais dans un pays qui ne compte qu’une quinzaine de services de pédopsychiatrie, les moyens semblent très limités. A tel point que la majorité des parents sont désorientés. Ils pâtissent du manque d’infrastructures spécialisées et de l’insuffisance des programmes scolaires adaptés», a-t-il déploré.
Et de poursuivre : «Face à cette situation, certains parents se dirigent vers des centres médico-psychologiques du secteur privé où les séances de suivi sont très coûteuses. Résultat, de nombreux enfants ne bénéficient pas d’un diagnostic précis et ne reçoivent pas les soins appropriés.» Pourtant, «une prise en charge précoce et adaptée de ces cas est un facteur majeur d’évolution positive», a-t-il conclu.
«Dans notre pays, l’autisme est toujours méconnu»
Pour sa part, la présidente de l’Association nationale des autistes, Leila Ouali, est plus désabusée sur cette question. En effet, selon elle, «dans notre pays, l’autisme est toujours méconnu». Aussi, «les enfants atteints de cette pathologie et leurs familles doivent faire face à de nombreuses idées préconçues telles que par exemple le complexe de dire que leurs enfants en souffrent ou encore les promener dans les lieux publics. Le nombre d’autistes dans notre pays est impressionnant. Il dépasse les 500 000 cas. Par ricochet, il faut dire qu’ils sont plus de quatre millions d’Algériens inclus dans la cellule familiale (père, mère, frères et sœurs, grands-parents) qui vivent leur calvaire au quotidien, d’autant plus que la prise en charge de cette frange de la société laisse vraiment à désirer»,a-t-il indiqué avec amertume.
A la question de savoir comment se comporter face à cette maladie, Leila Ouali a indiqué : «Sachant que de nos jours, c’est encore une sphère méconnue, c’est grâce aux efforts consentis à travers le monde jusque-là qu’on a finalement découvert que l’autisme n’est pas le même chez tous les enfants. Et on a fini par lui trouver une autre définition : le TSA (traumatisme du spectre autistique). Ainsi, chaque enfant a sa sphère de vision et voit les choses que nous ne pouvons pas voir.»
Poursuivant : «C’est pourquoi, on doit toujours le comprendre et aller vers lui, et non le contraire.» «En dépit des consultations effectuées chez le thérapeute, le pédiatre, le psychologue, l’orthophoniste et bien d’autres spécialistes, on a relevé que celles-ci sont momentanées, et comme les contacts devront êtres permanents et durables, la vraie solution se trouve chez la maman», dit-elle en ajoutant : «Je dirais que la jeune maman, surtout lorsqu’il s’agit de son premier enfant, doit être alerte vis-à-vis de sa progéniture. Elle est à même, grâce au courage qui lui sied, de déceler les premiers signes d’alerte chez son enfant», a-t-elle préconisé.
«En classe, l’élève autiste n’entend pas seulement la voix de son enseignante»
Enfin, concernant le comportement de l’autiste en classe, notre interlocuteur a indiqué : «Quand l’enfant est en charge sensorielle, il explose de colère. Il faut savoir que l’enfant, quand il est en classe, n’entend pas seulement la voix de son enseignante, il entend aussi tous les bruits possibles et imaginables, allant du bruit de la chaise de son camarade de classe, au camion qui passe devant l’école et autres qui se mêlent jusqu’à ce qu’il explose.»
«La crise d’angoisse qu’il fait est une surcharge émotionnelle et sensorielle, d’où l’intérêt de la sensibilisation», a expliqué la présidente de l’Association nationale des autistes.
«L’auxiliaire est le maillon le plus fort dans la chaîne de la prise en charge de l’autiste»
Par ailleurs, Mme Ouali est allée en profondeur au sujet de la formation des auxiliaires qui, selon elle, constituent le maillon fort de la chaîne du traitement et de la prise en charge de l’autiste. «L’auxiliaire est le maillon le plus fort. Aussi, nous avons toujours, et ce, tout au long de notre parcours associatif, œuvré pour la formation continue de ces derniers, sauf que ceux-là n’ont toujours pas de statut. Depuis la création de notre association en 2012, nous n’avons pas cessé de plaider pour que ce statut devienne réalité. L’auxiliaire doit faire partie de l’équipe pédagogique et, par conséquent, relever du ministère de l’Education nationale», a-t-elle indiqué, ajoutant qu’«ils doivent recevoir à longueur d’année des formations adaptées à leur profil, comme c’est le cas pour les enseignants. Ils doivent être aussi rémunérés par le même ministère».
«Aujourd’hui, la majorité des auxiliaires formés par notre association ont rejoint l’Education nationale. Résultat : les parents sont contraints de louer les services d’auxiliaires privés très coûteux», a-elle regretté.
D’autre part, elle a estimé que «la mise en place d’une plateforme électronique sur le spectre de l’autisme pour fournir toutes les informations aux familles des personnes touchées par cette pathologie, qui sera lancée “prochainement”, constitue une étape importante dans le domaine de la prise en charge de cette catégorie de malades en Algérie».