L’engagement total du peuple algérien à se libérer du joug colonial n’a été possible qu’avec la mobilisation de toutes les composantes, parmi elles la sphère artistique. En effet, artistes, footballeurs, musiciens, poètes et autres peintres et sculpteurs se sont ligués en troupes pour défendre et promouvoir la voix de l’Algérie à l’étranger. Parmi celles-ci il est loisible de citer l’orchestre historique du militant de la cause nationale Ali Maâchi, «Safir Ettarab», dont plusieurs membres tomberont au champ d’honneur. Et comme il fallait se frayer un chemin et se spécialiser, «Safir Ettarab» a réservé exclusivement l’interprétation des nouvelles chansons d’Ali Maâchi,
Pour précision, après la diffusion sur Radio Alger de plusieurs nouvelles pièces célébrant la Patrie, l’orchestre enregistre en 1956 «Angham El Djazaïr», un chef-d’œuvre d’Ali Maâchi, qui va consacrer son activisme artistique ainsi que celui des membres de son orchestre.
Il est important de préciser que les œuvres patriotiques d’«Angham El Djazaïr», reprises après Indépendance par Noura et Cherif Kortbi, lient, dans leur richesse lyrique et mélodique, les principaux genres qui caractérisent le patrimoine musical algérien, pour s’installer aussi de manière ferme et catégorique comme «un déni de toutes les tendances coloniales à la dépersonnalisation et à la déculturation».
Par ailleurs, pour mieux aiguiser la curiosité du peuple et lui inculquer les rudiments de l’activisme politique, l’une des nombreuses tâches confiées à l’orchestre «Safir Ettarab» était d’intervenir au début et à la fin d’un meeting de sensibilisation populaire pour rallier les foules et protéger les orateurs, souvent sous le coup de mandats d’arrêt.
Au déclenchement de la Guerre de libération nationale, des membres de l’orchestre «Safir Ettarab» et leur directeur artistique rejoignent la lutte armée. Parmi les musiciens qui ont eu maille avec la justice coloniale, on citera Mostefa Belarbi (1933-1994), le violoniste du groupe, qui fut emprisonné en 1957 et horriblement torturé, tandis que le tout jeune percussionniste Zekri Moulay (1939-2005), Mekki Benaouda et Abdeslem Mustapha (disparu en 2022) rejoignent, quant à eux, le maquis.
Parmi les chansons d’Ali Maachi enregistrées et interprétées par l’orchestre «Safir Ettarab», «El Babour», «Taht samae El Djazaïr», «Ya dak el youm ki net’fek’rek ma nen’sach», «Ya salam aâla el banet», «Essayf wassal», «Mazal aâlik en’khemmem» ou encore «W’sayet el goumri».
«Safir Ettarab» exprime intensément la singularité de la personnalité autochtone et sa fierté d’appartenir à la Patrie algérienne. Les œuvres qu’il interprète expriment, entre autres thèmes, l’amour de la Patrie, l’espoir et la volonté du peuple de s’affirmer dans un moment crucial de sa glorieuse histoire, marqué par la guerre de libération.
Pour rappel, l’indépendance recouvrée, «Angham El Djazaïr» intéresse plusieurs interprètes et compositeurs algériens. C’est d’abord Nora qui donne le ton en interprétant, la première, le refrain et tous les couplets de l’œuvre. Deux autres compositeurs et non des moindres, Blaoui Houari et Cherif Kortbi livreront, chacun selon son style et son expérience, de très beaux arrangements à l’œuvre confiée à une pléiade d’interprètes. A Tiaret, c’est «Safir Ettarab» qui perpétuera le répertoire d’Ali Maachi dont l’interprète attitré n’est autre que Mohamed Benblidia, Mohamed Fateh pour la place d’Oran.
R .C.