Mahieddine Bachtarzi est considéré comme à l’origine de l’émergence de nombreux grands noms artistiques en Algérie empreints de la prise de conscience citoyenne suscitée par le mouvement national, car cet artiste aux multiples facettes allie comédie et chant.
Il a été l’artisan de nombreuses carrières artistiques fulgurantes dans une Algérie foisonnante, vivant au rythme d’une prise de conscience citoyenne insufflée par le mouvement national, Mahieddine Bachtarzi aura été acteur et chef d’orchestre, dans le sens le plus large, d’une scène culturelle naissante.
Intellectuel éclairé, il exploite la musique puis le théâtre comme moyens de communication et d’éveil des consciences, se faisant l’écho de tous les événements politiques que connaît l’Algérie dans les années 1930, dans un contexte colonial des plus difficiles, et consigne consciencieusement chaque événement artistique et culturel dans ses moindres détails.
Né à La Casbah d’Alger en 1897, Mahieddine Bachtarzi poursuit des études coraniques à la médersa libre de cheikh Ben Osman, à l’issue desquelles il devient muezzin et récitant du Saint Coran à la mosquée Djamaâ J’did d’Alger, avant de s’orienter vers la chanson andalouse et enregistrer plus de 60 disques à l’âge de 24 ans.
Mahieddine Bachtarzi s’était souvent produit sur scène en Algérie, en France, en Italie et en Belgique. Surnommé «Le Caruso du désert» par la presse française de l’époque, il prend, en 1923, la direction de la Société musicale El Moutribia, un établissement de formation et de sauvegarde du patrimoine musical andalou. Après avoir pris conscience des limites de la musique comme moyen de communication dans le contexte colonial, il se découvre une nouvelle vocation dans le 4e art avec Allalou (Ali Sellali) et Rachid Ksentini.
Après avoir longuement observé l’impact du théâtre populaire et de la halqa, il milite pour faire reconnaître l’existence d’un théâtre algérien s’adressant aux Algériens dans leur langue. En 1937, il vend plus de 800 exemplaires de son recueil de 12 chansons, contenant des titres comme Afiq ya Ibn el Djazaïr (Réveille-toi, ô enfant de l’Algérie), Saout El Djazaïr (La Voix de l’Algérie) et Maarefnache ache men teriq Nakhdou (Nous ne savons pas quel chemin prendre), des chansons jugées «subversives» et qui lui avaient valu une interdiction officielle des autorités coloniales. Son nom revient dans les débuts artistiques d’un grand nombre d’artistes algériens de renom dont il avait aiguillé les carrières et développé le talent, comme Kelthoum, Sid Ali Kouiret, Rouiched, ou encore Mustapha Kateb qui l’avait rejoint dans l’aventure du «Théâtre arabe» à la fin des années 1940.
Une période marquée par la montée du mouvement nationaliste algérien, durant laquelle il avait proposé des pièces comme Fi Sabil El Watan (Pour la patrie), Fakou ; El Khedaïne (Les traitres), ou encore Beni oui-oui. En 1947, il avait assuré avec Mustapha Kateb des représentations hebdomadaires de théâtre algérien à l’Opéra d’Alger en intégrant un grand nombre de jeunes talents, dont une grande partie va rejoindre la troupe artistique du Front de libération nationale (FLN) et faire les beaux jours du théâtre et du cinéma algériens après le recouvrement de l’indépendance, dont le soixantenaire est célébré cette année.