Chaque année, en pareille période, la crainte de survenue de pathologies gastro-entérites dues principalement à une mauvaise conservation de produits, notamment laitiers, fait son apparition en dépit des campagnes de sensibilisation pérennes du ministère du Commerce et de la Promotion des exportations.
Produits mal conservés, non-respect de la chaine de froid et exposition de produits de consommation au soleil, sont les principaux motifs de survenue de ces pathologies «pas toujours bénignes», selon le Dr Abdelhafid Kaidi, médecin chef de service de gastro-entérologie.
«Une intoxication alimentaire est un ensemble de signes et de symptômes qu’une personne ou plusieurs personnes présentent suite à l’ingestion de bactéries, de virus, de parasites, de toxines bactériennes ou des produits chimiques», a indiqué notre interlocuteur à la question de savoir l’étiologie d’une intoxication alimentaire, appelée dans le jargon médical «toxi-infection alimentaire». Cette dernière se résume, selon Dr Kaidi, «en une affection très fréquente, pas souvent bénigne qui peut aussi engendrer des complications mortelles».
Se voulant plus «terre-à-terre, notre interlocuteur a indiqué qu’une intoxication alimentaire se manifeste suite à la consommation d’aliments ou de boissons contaminés», résume-t-il, en ajoutant que «la contamination est le plus souvent bactérienne, virale ou parasitaire. Elle peut se traduire par divers symptômes comme des nausées, des vomissements, des diarrhées, etc.».
«Dans la majorité des cas, l’affection guérit spontanément en quelques jours. Parfois, une consultation médicale en urgence peut s’avérer nécessaire (diarrhée importante ou associée à d’autres symptômes, retour de voyage», a indiqué Dr Kaidi qui n’a pas manqué de tirer la sonnette d’alarme sur la propension des cas de toxi-infection alimentaires enregistrées périodiquement.
Il est inutile de mentionner qu’à l’approche de la saison estivale, saison la plus propice pour la survenue de telles pathologies, des campagnes de sensibilisation à grande échelle sont organisées par les services du ministère du Commerce et de la Promotion des exportations, à l’échelle nationale, pour parer à la survenue de ces toxi-infections qui peuvent engendrer des conséquences graves notamment pour les enfants en bas âge et les personnes âgées vulnérables.
3 160 personnes victimes de toxi-infections durant l’année 2021
Pour ne citer que le cas du bilan du premier semestre, il est regrettable d’apprendre que le bilan des toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) rendu public par le ministère du Commerce et de la Promotion des exportations fait état d’une hausse des cas des TIAC et du nombre de personnes intoxiquées, respectivement de 105 et 109%, durant le premier semestre 2022 par rapport à la même période de l’année écoulée.
Aussi, le document du ministère révèle que «le nombre des cas de TIAC enregistrés au cours des six premiers mois de l’année en cours s’est élevé à 259, contre 126 cas enregistrés au cours de la même période de l’année précédente, soit une hausse de 105%, tandis que le nombre de personnes touchées par l’intoxication a atteint 3 160 contre 1 512 personnes, connaissant la même courbe ascendante de 109%».
Dans ce rapport détaillé des produits à l’origine de ces pathologies, il est clairement indiqué que «les plus importants produits à l’origine des intoxications alimentaires, les plats variés viennent en tête de liste avec un taux de 41%, les gâteaux et les glaces (22%), les viandes rouges et les viandes blanches et dérivés (pâté et merguez) (13,5%), l’eau et les boissons (3,7%), le lait non pasteurisé et dérivés du lait (3,4%), suivis par les poissons avec seulement 1,4% et enfin 14,9% de produits de source inconnue», est-il énuméré.
Le contrôle doit être systématique et la répression drastique
Selon le Dr Abdelhafid Kaidi, «le non-respect de l’obligation des conditions de conservation et de la chaîne de froid, ainsi que le non-respect de l’obligation des conditions d’hygiène, y compris sanitaire, ont des conséquence néfastes pour la santé des citoyens, parfois mortelles». «L’affection n’est pas la même et varie selon l’âge, l’état physique et la vulnérabilité des patients», a-t-il affirmé, avant de lancer : «Parfois une toxi-infection peut être fatale pour une personne âgée ou en bas âge.»
Les services de contrôle par les services de l’hygiène et de la fraude relevant de chaque wilaya ont pour obligation de contrôler, par des visites inopinées, l’ensemble des commerçants relevant de leurs circonscription pour, au mieux, s’assurer que les produits incriminés proposés à la vente sont conservés de manière appropriée et, au pire, enclencher des poursuites judiciaires après analyses d’échantillons.
Rien que pour avoir un aperçu sur l’étendue du contrôle et de ses conséquences, le ministère du Commerce et de la Promotion des exportations a, dans un communiqué, fait savoir que pour faire face à cette situation, «une opération nationale avait été lancée pour renforcer les interventions des agents de contrôle sur le terrain de manière à éviter les intoxications alimentaires, particulièrement au niveau des restaurants, fast-food, cafétérias et espaces de vente de glaces outre les activités saisonnières des centres de loisirs et régions côtières, en veillant au respect de l’hygiène et de la chaine de froid, notamment en ce qui concerne les produits alimentaires périssables, à l’instar des viandes rouges et blanches, les produits laitiers, les poissons, les œufs, les boissons et les glaces». Et pour mieux affiner cette campagne pérenne engagée dès le début de la saison estivale, le même communiqué précise : «Pour une prise en charge optimale de ce dossier, une coordination a été établie avec tous les services concernés au niveau local et les associations de protection du consommateur, en sensibilisant les consommateurs et les commerçants sur les moyens d’éviter les intoxications alimentaires.»
Les Associations de protection des consommateurs se liguent contre les négligences des commerçants
Quand la chaine de froid est rompue pour le motif que le commerçant ait commis l’indélicatesse de laisser exposer au soleil des produits sensibles, il arrive fatalement que les consommateurs soient victimes de toxi-infections.
Or, du côté des Associations de protection des consommateurs, il est recommandé d’alerter les services concernés.
En effet, pour Hadj Tahar Boulanouar, président de l’Association nationale des commerçants et artisans (ANCA), le citoyen doit se joindre aux efforts du ministère du Commerce et des associations, dont le rôle premier est de le protéger pour dénoncer tout comportement allant dans ce sens par les commerçants.
«Le citoyen doit alerter sur les cas de produits mal conservés», suggère Hadj Tahar Boulanouar
Hormis les produits dépendant de la nécessité de respecter la chaîne de froid, notre interlocuteur a révélé que les Algériens consomment des dizaines de tonnes de produits périmés annuellement. Cela est dû, selon lui, à la faiblesse les mécanismes de contrôle des marchés algériens. Pour cela, le premier responsable de l’ANCA accuse ouvertement certains «commerçants véreux et les distributeurs qui commercialisent ces produits», soulignant «le laisser-aller des pouvoirs publics, notamment les services d’hygiène des APC qui devraient jouer un rôle plus important dans le contrôle de ces produits et la protection de la santé les consommateurs».
«Des produits périmés vendus sous un autre emballage»
A titre d’exemple, il a fait savoir qu’«une grande quantité a été vendue, il y a quelques mois, au niveau du marché de gros de Oued Smar qui, selon lui, représente 23 à 25% du circuit de distribution des produits agro-alimentaires de la wilaya d’Alger».
C’est dire qu’en l’absence de contrôle et de répression, la santé du consommateur se retrouve exposée à de graves conséquences. Raison pour laquelle Boulanouar appelle de toutes ses forces les pouvoirs publics à «renforcer le contrôle surtout dans les circuits de distribution où de grandes quantités de produits périmés sont vendues sous un nouvel emballage».
Une bonne campagne de sensibilisation pour informer le consommateur sur les dangers consommer des produits périmés ou placés hors du circuit de la chaîne de froid est une pratique qui doit être généralisée au niveau de l’ensemble des services concernées. Et quand on ajoute l’adhésion des citoyens par une contribution efficace et sans faille en dénonçant tout acte de nature à nuire à sa santé, par la faute d’un commerçant avide de faire des bénéfices au mépris de la santé de ses clients, ce phénomène qui nuit gravement à la santé du citoyen aura, espérons-le, tendance à disparaître.