A la veille du mois de Ramadhan, la question de la hausse des prix, notamment des produits de large consommation, ainsi que de la disponibilité des produits, refait toujours surface, faisant craindre le pire aux consommateurs qui doivent préparer leur budget.
Pour débattre de cette question et du changement dans le comportement du consommateur algérien, Maghreb Info a essayé d’apporter des explications quant à ce phénomène qui est devenu un rituelle avant le mois de Ramadhan.
Le Ramadhan a beau être le mois du jeûne, c’est aussi la période de l’année durant laquelle la consommation explose. Poulet, viande, semoule, tomates, oignons, sucre, l’huile… Résultat : les prix des denrées alimentaires s’envolent, passant parfois du simple au double.
Le ménage dans les foyers avant le mois sacré : un rituel qui ne meurt jamais
Comme chaque année, et à la veille du mois sacré du Ramadhan, les ménages se préparent afin d’être prêts pour le premier jour de jeûne. Comme le veut la coutume, vers la fin du mois de chaâbane, les foyers entament le rituel du grand ménage de la maison.
En effet, les Algériens consacrent quelques jours pour tout faire briller, car il est de tradition musulmane d’accueillir le mois sacré dans la pureté et la propreté. Ainsi, pendant trente jours, il sera accueilli dans une ambiance de piété et de profond respect des coutumes et des traditions.
Aussi, les femmes se prennent de bonne heure pour nettoyer à fond la maison et surtout préparer leurs achats, notamment les épices, les arômes, les ingrédients de la chorba sans oublier la vaisselle qui reste un élément très important pour elles, ainsi que beaucoup d’autres besoins dont la liste est longue.
En effet, de nombreuses familles se préparent à accueillir le mois sacré, en entamant des préparatifs de routine, pour parer, entre autres, à l’augmentation des prix qui caractérisent chaque occasion ou évènement religieux.
Beaucoup de ménages allouent un budget spécial pour le mois sacré, et font des achats particuliers. Certains renouvellent la vaisselle, achètent de nouveaux ustensiles, refont la décoration de la maison, alors que d’autres anticipent dans l’achat de certaines denrées alimentaires destinées à la congélation, pour contrer la spéculation.
Plusieurs femmes investissent quotidiennement les souks et les marchés de fruits et légumes pour acquérir des produits dont les prix sont plus ou moins raisonnables actuellement.
Les petits pois, les poivrons doux, le piment, la tomate, le citron, sont très sollicités par les ménagères en cette période de l’année.
Ces produits sont achetés en gros, ils sont nettoyés et placés au congélateur. Certaines femmes en font des conserves, alors que d’autres les font cuire et les mettent dans des boites hermétiques, pour les retirer en suite en cas de besoin.
Ces petits légumes sont utilisés dans la préparation de plats ou sont servis comme accompagnement dans les salades, hors-d’œuvre et autres. « La plupart des familles en acquièrent durant cette période et stockent ces aliments en prévision de leur rareté ou de leur cherté durant le mois de Ramadhan », dévoile un marchand au marché Bouzrina. « Notre marché connaît aujourd’hui de nombreuses fluctuations, qui peuvent provoquer des crises inattendues, et c’est la raison qui pousse les familles à prendre leurs précautions », ajoute-t-il. L’ail aussi est acheté par botte. Il est accroché dans les balcons ou carrément découpé et mis en boîte.
Zebdi pointe du doigt le comportement des consommateurs
A cet égard, Mustapha Zebdi, responsable de l’Organisation algérienne de protection et d’orientation du consommateur et son environnement (APOCE), a mis en garde contre le comportement de certains consommateurs qui font ce genre d’achats et ont recours au stockage en prévision du mois de Ramadhan.
Contacté, hier, par Maghreb Info, Zebdi a évoqué la pénurie de certains produits de large consommation, à savoir l’huile de table et la semoule. Il nous a déclaré qu’ « il y a plusieurs facteurs qui sont derrière ces pénuries, la rétraction de certains commerçant pour la commercialisation de ces produits par peur de la loi contre la spéculation, la marge bénéficiaire qui est très faible, le trafic à travers les frontières ».
Zebdi a également pointé du doigt le comportement des consommateurs qui, selon lui, « suite à une certaine tension, il y a une panique et un affolement qui les poussent à changer de comportement et qui les poussent aussi à acheter massivement en stockant par crainte qu’il n’y ait plus de produits sur le marché. »
A propos de la hausse des prix durant le Ramadhan qui est devenue un rituel, Zebdi dira : « La hausse des prix est devenue une habitude. »
« Actuellement, on ne s’attend pas à ce que les prix changent ou repartent à la baisse, nous cherchons à ce que les augmentations soient minimes et n’alourdissent pas encore plus le pouvoir d’achat du citoyen », nous-a-t-il déclaré. De plus, notre interlocuteur nous a affirmé que « pour l’APOCE, certaines huasses sont inévitables, parce que le marché en lui-même est déréglé », ajoutant que « le marché ne pourra se stabiliser que par des appels ou des campagnes de sensibilisation ».
Il poursuit : « On est dans une économie soi-disant de l’offre et de la demande, mais malheureusement, il n’y a pas un environnement adéquat pour appliquer la loi de l’offre et de la demande. »
Répondant à une question sur le rôle du ministère du Commerce dans la stabilisation des prix, le président de l’APOCE n’a pas nié la grande responsabilité du ministère. Malgré sa grande responsabilité, il ne pourra pas lutter contre la spéculation et la hausse des prix seul. A cet effet, Zebdi a appelé les autres secteurs à coopérer.
Pour notre interlocuteur, « durant le mois de Ramadhan, il y a une surconsommation et plus de dépenses plus que les autres jours et une consommation des dépenses plus que sur les autres produits ».
A ce propos, il a indiqué : « On s’est habitué à l’intervention de l’Etat pour contrôler les prix, mais l’Etat ne les contrôle plus, puisqu’on est dans un marché régi par la loi de l’offre et de la demande. » Ajoutant : « Si vous voulez faire baisser les prix, il fait augmenter la production. On ne peut pas s’attendre à une stabilité des prix et de la distribution si notre production n’est pas stable. »
Mustapha Zebdi pense que « les changements dans le comportement des consommateurs à la veille du mois de Ramadhan ont une incidence sur les prix ».
Evoquant les facteurs qui déterminent les prix, notre interlocuteur a cité l’offre, la demande et le circuit de distribution qui comprend les marchés de gros, de détail ou de proximité. Dans ce sens, il a précisé que le grand décalage dans le circuit de distribution, notamment le marché de détail qui subit une pression durant le mois de Ramadhan, influe également sur les prix.
S’exprimant sur la régulation du marché, il a indiqué : « Tant qu’il y aura l’informel, on ne peut pas réguler le marché. » Poursuivant : « Cette régulation passe par l’éradication de l’informel qui permet d’avoir des prix moins chers. »
Zebdi a indiqué que « la moyenne des dépenses durant le mois sacré n’est pas moins de 50% », en déplorant la frénésie «des consommateurs algériens avant le mois de piété ».
S’agissant des propositions de l’APOCE, Mustapha Zebdi a rappelé que son association a proposé de plafonner la marge bénéficiaire issue des produits de large consommation, à savoir les légumes et les fruits de saison.