Instauré par la Loi de finances 2022, les Douanes algériennes ont renforcé leur arsenal fiscal applicable sur les colis postaux des achats en ligne à l’étranger, dont la valeur dépasse les 10 mille dinars. Ces taxes fixées sur les produits électroniques, dont la liste a été fixée par la Direction générale des impôts (DGI), à savoir les smartphones et les tablettes qui ne sont pas disponibles en Algérie on suscité l’inquiétude des vendeurs et des acheteurs en même temps.
Mettre des limites à la fuite de devise dans les marchés en Algérie
Dans une déclaration à Maghreb Info, l’analyste en économie, Abderrahmane Aya a expliqué que cette décision ne concerne pas tous les produits, précisant que les produits importés pour des raisons professionnelles sont exonérés de ces taxes. Et d’ajouter : « Il y a aussi ce qu’on appelle les fractions, c’est à dire au lieu d’imposer tout le montant on impose uniquement 70% ou bien 60% du montant, il y a aussi les montants plafonnés, c’est à dire une lecture technique qui doit être faite par des professionnels ou par des experts en finance publique ».
Aya a expliqué qu’il existe une raison derrière cette décision prise par les Douanes algériennes. Selon lui, elles ont déclaré qu’il y a des commerçants qui utilisent les citoyens pour importer d’une manière indirecte des produits et les vendre sur les marchés sans qu’il payent les taxes qu’il faut.
L’expert estime qu’il y a d’autres raisons. Il s’agit, dit-il, de préserver la devise qui se trouve dans les marchés parallèles, « puisque d’une manière générale la devise qui se vend sur le marché parallèle fait partie de l’économie algérienne, puisque les voyageurs qui veulent partir à l’étranger ne peuvent pas acheter plus de 90 euros auprès des banques, donc ils s’approvisionnent auprès des marchés parallèles ».
« Donc, l’État pour mettre des limites à la fuite de devise dans ces marchés a pris cette décision », clarifie Abderrahmane Aya.
Concernant l’impact de cette décision sur l’économie nationale, il a affirmé qu’il y a un impact négatif indirect, expliquant que les Algériens qui ont l’habitude d’acheter des téléphone portables ou des tablettes, auprès des plateformes internationales, vont peut-être cesser d’acheter et se retournent vers le marché local et automatiquement il y aura une demande sur les produits ce qui provoquera une hausse des prix.
Réviser ou abroger les taxes
Pour sa part, le président de l’Organisation algérienne de protection et d’orientation du consommateur et son environnement (Apoce), Mustapha Zebdi a sollicité, dans une communication téléphonique, les pouvoirs publics qui sont derrière ces taxes de les revoir et « pourquoi pas de les enlever carrément ».
Zebdi a argumenté qu’il s’agit de certains produits qui sont nécessaires pour le développement, qui sont nécessaires pour la prospérité du citoyen et qui sont nécessaires pour la numérisation « tant attendue ».
S’agissant de la loi élaborée par le ministère des Finances, qui selon des spécialistes en économie n’est pas chargé de cette tâche, il a expliqué que les textes devaient être clairs, en revanche, poursuit notre interlocuteur, c’est l’interprétation qui n’est pas claire.
« Même s’il y a une loi dans ce sens, je pense que les lois sont là pour être révisées, c’est des particuliers mais nous voudrions être partie prenante dans l’élaboration de la liste des produits », souligne Zebdi.
S’interrogeant : « Qui a fait la liste des produits et sur quelle base cette liste a été faite et qui peut dire que ce produit a son homologue national avec une suffisance sur le marché ? ».
Le président de l’Apoce a conclu, en affirmant que l’organisation est pour la protection de la production nationale pour la booster.
Un obstacle devant l’activité commerciale électronique
L’analyste politique, Abderrahmane Bencheriat a confié à Maghreb info que cette décision n’est pas conforme aux orientations du pouvoir, qui tend sa main aux catégories marginalisées ou il initie des facilitations au profit des jeunes, « sachant que la harga enregistre toujours des cas tragiques ».
Disant que cette mesure n’était attendue, Bencheriat, a exprimé son souhait que ces taxes soient des taxes de formes et qui entravent le domaine du commerce électronique.
« Cet dispositif est venu contre le courant économique général et contre toutes les attentes et n’ajoutera rien au Trésor public. Au contraire il aura des répercussions négatives, car ce commerce ne va pas durer et va reculer, en l’absence d’un alternatif local », déclare l’analyste.
Il a expliqué qu’il pourrait être compréhensif si on avait des inquiétudes par rapport à la concurrence de la production nationale, mais nous savons bien que c’est une production faible qui n’entre pas en concurrence avec le commerce extérieur qui permettra l’entrée de plusieurs matériels qui sont exploités dans différents domaines notamment les domaines de la santé et de l’éducation.
Bencheriat a, d’autre part, regretté cette décision, tout en souhaitant, que le pouvoir révise ce texte ou, poursuit-il, au moins ne pas faire de ces taxes des taxes d’obstacle pour cette activité qui absorbe une taux important du chômage chez les jeunes et permettra d’activer la vie commerciale, économique et consommable en Algérie.
D’après Benchariat, cette décision est venue, dans un temps, où le citoyen vit des conditions difficiles avec la hausse des prix des produits électroniques locaux ou importés, précisant qu’il était préférable que les autorités compétentes au ministère du Commerce et de la Promotion des importations de prendre en considération cette situation et d’essayer de ne pas alourdir la charge sur le citoyen.
Ne pas punir la majorité par les actions d’une minorité
Le groupement algérien des acteurs du numérique (GAAN Algeria) a, quant à lui, publié un communiqué détaillé sur les nouveaux taux de droits de douanes appliqués sur les colis postaux liés aux opérations d’achat en ligne.
Le GAAN Algeria a affirmé qu’il respect, pleinement, les lois réglementant le commerce en Algérie et le travail des services douaniers dans la protection de l’économie nationale, en exprimant, par ailleurs, son refus d’exploiter le commerce électronique pour contourner les lois, soulignant, en parallèle, le droit des militants du numérique à acquérir des produits liés au numérique via Internet pour leurs besoins.
Selon lui, de nombreuses personnes non-commerçants, notamment les étudiants et les chercheurs, seront fortement impactées négativement par ces nouvelles mesures, qui vont considérablement élever les coûts des produits, dont ils ont besoin dans leurs activités scientifiques et techniques.
Le Groupement a appelé, dans ce cadre, les services compétents à revoir radicalement les procédures récentes concernant les matériaux de l’informatique et tous les équipements techniques et leurs accessoires. « Il n’est pas possible de punir la majorité par les actions d’une minorité, ajoutant que ceux qui optent pour ce genre d’achat utilisent leur propre argent et n’affecte pas les réserves de change en devises ».
Le communiqué a souligné qu’un groupe de travail composé d’experts et d’opérateurs économiques a été mis en place pour élaborer des propositions et des solutions concrètes afin de les soumettre au gouvernement dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances complémentaire pour l’année 2022.
Enfin, le GAAN Algeria s’est dit déterminé à tout mettre en œuvre pour lever tous les entraves que rencontre la numérisation dans le pays.