Comment bien recruter des employés ? Ou comment trouver un bon poste de travail ? Ce sont les deux volets principaux que traite le site de l’offre d’emploi. Dans une interview accordée à Maghreb Info, M. Louai Djaffer, directeur général et cofondateur du site « Emploitic » a décrit le marché de l’emploi en Algérie et a donné des conseils aux candidats et aux entreprises dans le secteur du travail.
Maghreb Info : Emploitic était un projet de l’’Ansej (Anade actuellement), racontez-nous cette expérience…
Louai Djaffer : Nous avions, mon associé et moi, un projet de créer une plateforme pour faciliter la vie des Algériens dans l’emploi, la formation et les loisirs. L’accord final de l’Ansej était en janvier 2006 et nous avions lancé le site officiellement en avril 2006.
Est ce que vous encouragez les jeunes à lancer leurs projets dans les conditions actuelles en Algérie ?
Les conditions actuelles sont bonnes et mauvaises. L’aspect positif c’est dans le digital. Quand notre projet a été lancé, il n’y avait pas d’ADSL et la 4G et le taux de pénétration d’internet était très faible. Aujourd’hui, le digital est bien installé dans notre pays. Il y a une accélération formidable dans l’utilisation du digital. Actuellement, nous faisons des réunions par internet ce qui était inimaginable avant en Algérie. Les marques font des promotions sur les réseaux sociaux. Le digital est plus développé donc le marché est plus grand. D’autre part, l’aspect négatif est économique car l’Algérie en 2006 et 2007 était meilleure. Nous avions plus d’investissement et plus d’argent. La situation ne peut pas être parfaite. Nous encourageons beaucoup les jeunes à entreprendre et personnellement je suis très impliqué à encourager l’entrepreneuriat et accompagner les start-up. L’année passée, pendant 9 mois, nous avions offert nos prestations d’une manière illimitée pour ces start-up.
Il y a des jeunes qui n’aiment pas être des employés et préfèrent être indépendants. Est-ce un projet des jeunes entrepreneurs ou un manque de responsabilité ?
Le bruit autour de l’entrepreneuriat a caché quelque chose de très important. Même les start-up ne peuvent pas réussir sans être de bons employés. Je trouve qu’en Algérie, nous ne valorisons pas les compétences des employés et des talents dans l’entreprise. Peut-être que nos jeunes et la société en général n’ont pas une bonne perception de la place des employés que je considère des collaborateurs. C’est très bien que des jeunes aient l’envie de l’indépendance mais ils ne doivent pas être en opposition au salariat. Nous pouvons être salariés excédés ou entrepreneurs et faire des choses formidables. Ce sont deux chemins différents. Il faut juste choisir et bien le faire.
-A travers votre site d’offres d’emploi, combien de personnes ont été recrutées par an ?
Mis à part les années de crise, surtout en 2020, il y a une moyenne de 20 mille personnes qui ont trouvé un emploi grâce à notre site Emploitic depuis 4 et 5 ans.
Depuis la pandémie, est-ce que vous avez constaté des changements dans le secteur du travail ?
Le secteur du travail a été fortement impacté. Il faut savoir que l’an 2020 était une année catastrophique en Algérie et au niveau mondial. Il y a des centaines de millions de personnes qui ont perdu leur emploi et malheureusement dans notre pays nous avons mal à le mesurer.
D’après les experts, la moitié des employés ne sont pas déclarés en Algérie. Sur notre site, nous avons eu une baisse d’une moyenne annuelle de 40% en 2020. Pour l’année 2021, nous avons enregistré une baisse de 20%. Cette année, nous avons démarré très bien. Les chiffres donnés sont issus de l’observation d’Emploitic et de son activité et qui ne sont pas forcement représentatifs de la situation globale.
Quels sont les spécificités du marché de l’emploi en Algérie ?
Les spécificités de l’Algérie et des pays en développement en général sont communes. La première spécificité c’est l’ampleur de l’emploi informel et la deuxième c’est la jeunesse du marché du travail car il y a tous les ans des centaines de milliers de jeunes qui arrivent sur le marché et ne trouvent pas des débouchés.
La troisième spécificité c’est l’inadéquation entre l’offre de formation et l’offre de l’emploi. Le secteur économique et le secteur de la formation ont du mal à s’accorder. Il y a également une spécificité géographique pour l’Algérie c’est la disparité régionale. Les bassins de l’emploi sont très concentrés dans les grandes villes.
La solution c’est de créer de l’emploi en prenant en considération les spécificités des zones géographiques en dehors les grandes villes.
Quel est votre conseil aux jeunes qui n’ont pas fait des formations techniques comme les sciences sociales et humaines et trouvent des difficultés pour trouver un travail ?
D’abord il ne faut pas qu’ils désespèrent. Ils ont une formation universitaire et donc « ils apprennent à apprendre ». Les conseils que je peux leur donner c’est que rechercher un travail est déjà un premier travail et il faut le faire sérieusement. Si une personne fait ses études dans les sciences sociales et elle ne trouve pas un métier dans son domaine, elle doit chercher ce qu’elle aime.
Par exemple, un diplômé en histoire qui a un bon relationnel et sait recompter des histoires, peut travailler dans le tourisme et ajouter des compétences supplémentaires. Il faut savoir qu’est ce qu’on veut, qui on est, c’est quoi nos attitudes. Il est important connaitre le marché de l’emploi à travers les sites ou les journaux et regarder ce qu’il y a comme opportunités. La quantité de formation en ligne actuellement est extraordinaire par exemple Google offre des certifications gratuite reconnues.
Selon les statistiques de votre site, quels sont les métiers les plus demandés?
En 2021, les métiers les plus demandés en termes de volume sont tous les métiers liés au commerce, la vente et le marketing. Il y a ensuite les métiers liés à l’industrie. C’est là où nous avons remarqué un grand potentiel. Il y a aussi un autre type de métiers qui ne représentent pas beaucoup en termes de l’emploi aujourd’hui, mais qui se développe très vite. Ce sont tous les métiers liés à la digitalisation des entreprises. Les compétences digitales sont devenues transversales à tous les métiers.
Citez-nous les critères demandés par les employeurs…
Avant la crise sanitaire, les entreprises cherchent principalement dans le recrutement les « hard skills » ou les compétences techniques. Les entreprises considéraient les « soft skills » ou les compétences comportementales comme moins importantes. La crise nous a montré que nous allons passer de plus en plus par des moments compliqués, où nous sommes stressés ou besoin de trouver des solutions en équipes. Il y a des métiers qui s’apprennent comme la bonne communication et la gestion du stress. C’est à partir de là que les entreprises regardent les comportements autant que les compétences.
Faut-il alors faire des formations dans les « softs skills » ?
Bien sûr. Il existe plein de formations sur internet et pas forcement payantes. Ce qui est important c’est la prise de conscience par les demandeurs de l’emploi que même si la personne est excellente techniquement, elle doit savoir gérer autres choses telles que les situations d’imprévu et le travail d’équipe. Par exemple, les Américains, quand ils embauchent, le plus essentiel pour eux c’est l’attitude.
Comment Emploitic a contribué à améliorer la situation du marché de l’emploi en Algérie ?
Il y a beaucoup d’opportunités dans le marché de l’emploi qui ne sont pas visibles. Notre mission à Emploitic, depuis 15 ans, c’est de faire en sorte de montrer la partie invisible. Nous visons à pousser le maximum des entreprises et administrations à annoncer leur recrutement et à dire qu’elles recrutent. Le premier pilier est culturel et nous avons travaillé avec les entreprises pour les convaincre. Le deuxième, c’est de travailler sur l’accompagnement gratuit de tous les utilisateurs pour leur donner les bases de comment recruter sur internet. Le troisième pilier est économique car il y a plein d’entreprises qui n’ont pas les moyens de payer des annonces. Depuis un an, toute entreprise qui n’a jamais travaillé avec nous, Emploitic lui propose de recruter en illimité pendant un mois afin de leur montrer l’importance du recrutement d’une façon professionnelle.
Le deuxième volet pour notre site c’est comment aider les candidats à postuler d’une manière plus efficace. Nous avons fait des centaines d’article et de « webiners » et des formations gratuites sur les réseaux sociaux.
