L’expert international et professeur des universités, le Dr Abderrahmane Mebtoul, a indiqué qu’au vu des tensions budgétaires, l’accroissement du taux de chômage, le retour de l’inflation et la détérioration du pouvoir d’achat, la relance économique pour 2022 est conditionnée par la lutte contre le terrorisme bureaucratique, la corruption qui étouffe les énergies créatrices, l’instabilité juridique et la vision purement monétariste afin de préserver les réserves de change sans vision stratégique.
Dans une contribution dont notre rédaction a reçu une copie, l’expert a indiqué que face aux tensions géostratégiques au niveau de la région méditerranéenne, sahélienne et les tensions budgétaires au niveau interne, l’Algérie qui possède d’importantes potentialités, peut surmonter la crise actuelle. «Pour cela, il y a urgence à concrétiser les réformes institutionnelles et économiques douloureuses à court terme, mais qui sont porteuses d’espoir à moyen et long termes, nécessitant une mobilisation générale, un large front national qui tienne compte des différentes sensibilités, et ce, à travers un discours de vérité pour un sacrifice partagé», souligne-t-il.
Selon lui, le taux d’inflation cumulé entre 2000-2021 approche les 100%, avec un pic, dit-il, en se référant au chiffre donné par le gouverneur de la Banque d’Algérie, de 9,2% en octobre 2021.
Concernant le processus inflationniste, l’expert a souligné qu’il a atteint un niveau «intolérable», plus de 100% pour les pièces détachées, les véhicules, et plus de 50% pour certains produits alimentaires. Il a ajouté : «La pénurie de bon nombre de produits a occasionné la flambée des prix sur ces derniers du fait de la spéculation, ce qui a impacté le pouvoir d’achat des ménages, déréglant ainsi la balance commerciale».
Evoquant les factures d’électricité, de l’eau, du loyer, M. Mebtoul se demande «comment un ménage, qui touche entre 30 000 à 50 000 DA, peut survivre avec cette somme s’il n’est pas aidé par la famille et les proches ?»
Selon l’expert, doubler les salaires sans contreparties productives entraînera une dérive inflationniste, un taux supérieur à 20%, ce qui pénalisera les couches les plus défavorisées, l’inflation jouant comme redistribution au profit des revenus spéculatifs.
Citant le rapport de l’OCDE, M. Mebtoul a indiqué que l’Algérie dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins d’impact en référence aux pays similaires, renvoyant à la mauvaise allocation des ressources.
«Selon le Premier ministère, l’assainissement des entreprises publiques a coûté au Trésor public environ 250 milliards de dollars ces trente dernières années et plus de 90% de ces entreprises sont revenues à la case départ, et ce, en plus de 65 milliards de dollars de réévaluation ces dix dernières années faute de maîtrise de la gestion des projets», a-t-il indiqué.
Et d’ajouter : «Selon le rapport du FMI établi fin décembre 2021, les exportations ont atteint 37,1 milliards de dollars (32,6 pour les hydrocarbures et 4,5 milliards hors hydrocarbures) dont près de 2,5 milliards de dollars de dérivés d’hydrocarbures selon les récentes estimations de Sonatrach pour 2021 (recettes de 34,5 selon le PDG de Sonatrach) comptabilisés dans la rubrique des 4 milliards de dollars hors hydrocarbures par le ministère du Commerce»
Quant aux importations, «et en attendant le bilan officiel du gouvernement, selon le FMI elles auraient atteint 46,3 milliards de dollars», (38,2 milliards de biens et une sortie de devises de services de 8,1 milliards).
«Selon le FMI, le budget de fonctionnement et d’équipement de l’Algérie a atteint plus de 137 milliards de dollars en 2021 et sera de plus de 150 milliards de dollars pour 2022, malgré toutes les restrictions qui ont paralysé l’appareil de production avec des impacts inflationnistes, expliquant l’importance du déficit budgétaire de la loi de finances 2022, de plus de 30 milliards de dollars».
Quant à la valeur de la monnaie nationale, le professeur des universités a rappelé que la loi de finances 2021 prévoit pour 2022 qu’elle s’échangera à 149,32 DA pour 1 dollar et verrait donc la dévaluation de la monnaie nationale se poursuivre avec 156,72 DA pour un dollar en 2023.
Il a estimé que cette dévaluation permet d’augmenter artificiellement la fiscalité des hydrocarbures et la fiscalité ordinaire.
A.Benmeddour