Des milliers de titulaires de doctorat en Algérie qui ont passé des années de leur vie à étudier pour obtenir un diplôme de haut niveau de connaissances et d’expériences sont sans travail.
La Coordination nationale des doctorants a révélé que le nombre de diplômés en doctorat en Algérie sans emploi a atteint 20.000 personnes, ce qui est un nombre terrifiant, étant donné que l’élite dans notre pays est dévorée par le chômage. En représentant les docteurs en chômage, la coordination avait envoyé une lettre au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique exigeant l’emploi direct de diplômés en doctorat.
En contactant quelques titulaires du doctorat, nous avons constaté que la majorité ne sont pas satisfaits de leur situation et déçus de la façon dont le docteur algérien est traité dans son pays, malgré tous les budgets fournis par l’Etat. Soumia, une diplômée en doctorat nous a déclaré qu’il est déraisonnable pour un étudiant ayant étudié pendant plus de 11 ans à l’université de rester au chômage. Hamida, une autre diplômée en doctorat a ajouté que le taux de chômage élevé parmi les docteurs ces dernières années est dû au refus de la fonction publique d’octroyer des postes budgétaires suffisants pour l’emploi dans les universités. Raouf, un docteur en chômage a expliqué que les doctorants vivent dans de nombreux paradoxes. Selon lui, le doctorant qualifié pour le poste d’enseignant chercheur se retrouve exclu du recrutement au moment où la majorité des universités souffrent d’un manque d’enseignants.
Il est à savoir que ce manque est compensé par la présence d’enseignants vacataires qui sont des doctorants en plein étude doctorale ou des docteurs diplômés sans emploi, et cela depuis des années. Ces pratiques sont pour beaucoup de diplômés des énergies gaspillées en heures temporaires à rechercher des points d’expérience professionnelle pour participer à des concours d’emploi, or, pour eux, ils doivent être recrutés directement à l’université dans le cadre de la recherche scientifique.
Un des titulaire d’un doctorat nous a expliqué que le statut général de la fonction publique a déterminé les modalités d’inscription aux emplois publics, parmi lesquelles figurait l’emploi direct de candidats ayant suivi une formation spécialisée prévue dans les lois fondamentales des établissements de formation qualifiée selon l’article 34 de la Loi fondamentale de l’enseignant chercheur, qui met l’accent sur l’éligibilité des titulaires de doctorat à occuper le poste d’enseignants assistants, catégorie « B » sur la base de leur diplôme, par décision du directeur de l’établissement, sans qu’aucune préparation particulière ne soit nécessaire et sans l’exigence d’un concours de recrutement.
Le poste budgétaire est il un engagement de travail par l’université ?
Concernant les docteurs qui souhaitent avoir un poste d’enseignant permanent et non pas vacataire, le coordinateur national du conseil national des enseignants supérieurs CNES M. Abdelhafid Milat a confirmé à Maghreb Infos que le rôle principal de l’université et le ministère de l’Enseignement supérieur et la Recherche scientifique c’est de former les étudiants et non pas les recruter. « L’université est une institution académique. Un directeur d’une université peut ouvrir des postes doctorales mais pour les former seulement», a-t-il dit.
D’après Milat, ouvrir des postes d’emploi dans les universités est important pour recruter les diplômés en doctorat mais il faut savoir que le poste budgétaire l’étudiant l’obtient légalement dès qu’il commence à étudier en phase de doctorat ce n’est pas un engagement de travail. « L’étudiant qui a gagné au concours de doctorat a un poste budgétaire et cela ne veut pas dire avoir un emploi juste après finir ses études », a-t-il dit. Avoir un poste budgétaire c’est la prise en charge financière de l’étudiant comme avoir le droit à la bourse, la gratuité de la restauration et le transport, et une place à la cité universitaire, a confirmé Milat. Il a ajouté : « J’ai remarqué que la majorité des doctorants et des docteurs pensent que le poste budgétaire est un engagement de travail par le ministère de l’Enseignement supérieur et c’est faux ».
Le coordinateur national du CNES a expliqué qu’il y a une différence entre l’université et l’école supérieure chargée de former les enseignants, car cette dernière signe un contrat d’engagement de travail avec les étudiants. « Le contrat d’engagement de travail signé entre l’école supérieure et chaque étudiant, lui permet d’assurer un poste de travail après avoir son diplôme », a-t-il affirmé. Un autre point différent, d’après Milat, c’est que l’école supérieure est responsable de former les étudiants pour devenir des enseignants selon le besoin des établissements qui vont recruter ces étudiants. Par exemple s’il y a un besoin de 100 enseignants en langue arabe ou en mathématique, l’école supérieure chargée de former les enseignants n’ouvre que 100 postes pour recevoir les étudiants dans ces spécialités, ensuite les diplômés pourront bénéficier de leurs postes de travail dans les établissements éducatifs.
D’autre part, l’étudiant en doctorat est aussi un enseignant universitaire vacataire car l’enseignement dans son processus doctoral est considéré comme une formation encadrée par d’autres enseignants expérimentés. Le coordinateur national du CNES a déclaré que durant cette phase, les enseignants vacataires doctorants sont chargés de donner des cours dans des modules qui ne demandent pas beaucoup d’expérience afin qu’ils puissent accomplir leur mission envers les étudiants. « A partir de la deuxième année de doctorat, l’étudiant peut donner des cours au sein de l’université dans le cadre de sa formation doctorale », a-t-il dit, en ajoutant que « le plus important pour un doctorant quand il enseigne c’est de s’habituer au contact avec les étudiants ». Selon lui, cette mission permettra aux enseignants vacataires doctorants d’acquérir de l’expérience et d’améliorer leurs connaissances ainsi de les préparer pour la suite qui est l’étape « après avoir le diplôme » de doctorat.
Le secteur public doit inclure les docteurs
Parmi les difficultés que rencontrent les diplômés en doctorat, c’est le peu de postes de travail dans les institutions non universitaires. Abdelhafid Mila, a souligné que le diplôme de doctorat n’est pas fait juste pour l’enseignement supérieur et que le docteur peut travailler aussi dans des centres de recherche, des laboratoires, des entreprises et les différentes institutions. Il a relevé que le problème qui existe actuellement en Algérie c’est que dans le statut de la fonction publique le diplôme de doctorat n’est pas pris en considération dans la grille des salaires. « Le poste budgétaire d’une personne recrutée dans une entreprise publique qui a le diplôme de doctorat est similaire de celui qui a un diplôme inferieur », a confirmé Milat. Il a lancé un appel au gouvernement à prendre en considération les diplômes des docteurs dans la grille des salaires et les inclure dans la fonction publique.
Un doctorant, après avoir fini ses études et eu son diplôme, deviendra un docteur et donc s’il ne sera pas recruté à l’université, il doit avoir son droit d’être recruté dans une entreprise avec un salaire qui convient à son diplôme, c’est le message que le Conseil national des enseignants supérieurs veut transmettre dans ce contexte.
Pour rappel, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique avait récemment annoncé que le secteur s’est vu octroyer 1.400 postes budgétaires supplémentaires, ce qui porte le total des postes budgétaires ouverts pour le grade de professeur assistant, catégorie « B », au titre de l’année 2021 à 1.655 postes budgétaires, dont 1.043 postes ont été attribués aux universités, 273 postes aux centres universitaires et 339 postes aux écoles supérieures.
Dans le même contexte, le ministère a précisé qu’un texte réglementaire conjoint devrait être publié entre le ministère du Travail, de l’Emploi et la Direction générale de la fonction publique et de la réforme administrative de la Sécurité sociale avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Ce texte comprendra la mise en place des mécanismes de recrutement des titulaires de magistère et de doctorats dans les entreprises, administrations publiques et le secteur économique public et privé.