Le secteur du tourisme est durement touché par la crise du Covid-19. En cette période de vacances, l’impossibilité d’organiser des voyages touristiques à l’étranger ainsi que les restrictions imposées pour les voyageurs ont dégringolé les recettes touristiques de près de 90 %.
Selon Cherif Menasra, vice-président de l’Union nationale des agences de voyages, près de 3 930 agences ont fermé leurs portes sur tout le territoire national depuis le début de la pandémie du Covid-19, alors que celles qui restent tentent de survivre.
« En 2021, sur 4 000 agences de voyages, seulement 60 à 70 agences sont ouvertes sur tout le territoire national. Les autres sont toutes fermées. Les agences qui continuent à activer sont celles concernées par la vente des billets d’avion après l’ouverture de l’espace aérien national », a fait constater hier Cherif Menasra, contacté par téléphone.
« Les agences qui louent des locaux à 100 000 DA et même à 200 000 DA/le mois n’ont plus les moyens pour payer les différentes et trop pesantes charges ainsi que les salaires des personnels, notamment après une année 2020 blanche de fait des mesures de confinement et de fermeture », a-t-il poursuivi.
Il a indiqué que le secteur subit beaucoup de faillites, alors que le ministère de Tourisme n’a pas fourni pour l’instant ses données sur la totalité des pertes subies.
Cherif Menasra, également gérant de l’agence de voyages Timgad Voyages, basée à Batna, un professionnel qui cumule 39 ans dans le secteur du tourisme, a souligné que « l’année 2020 était une année blanche pour tout le monde ».
« Les professionnels de ce secteur ont été complètement délaissés par les autorités publiques. Au début, ils ont bénéficié de l’aide de 10 000 DA/mois (pendant la période : juin, juillet, août 2020), ensuite ils ont été abandonnés jusqu’à ce jour. Ils ont été tous mis au chômage technique sans bénéficier d’un salaire », a-t-il déploré, regrettant également que le ministre de Tourisme n’ait pris aucune mesure de soutien au secteur.
« Nous avons introduit des dossiers pour l’octroi de droit pour le chômage technique auprès de l’Inspection du travail », a-t-il expliqué, ajoutant que son agence compte 43 fonctionnaires qui n’ont rien touché.
Une situation qui est aussi la même pour cette année 2021, qui s’annonce incertaine.
« Si nous parlons de la saison de cet été, nous assistons ces derniers jours à une hausse des cas de contamination de coronavirus. Nous vivons dans le stress et le suspense. Personne ne sait si en juillet les autorités maintiendront l’ouverture des vols aériens ou reviendront à la fermeture. Donc, nous ignorons complètement l’issue de cette saison et comment sauver notre activité », a indiqué Cherif Menasra.
Face à l’impossibilité d’organiser des voyages touristiques à l’étranger, les agences de voyages se contentent des voyages internes (par bus vers les plages et villes touristiques comme Jijel.
« La loi interdit le transport de voyageurs de nombre de 40 ou 20 personnes par bus pour des considérations sanitaires », a-t-il fait remarquer.
Ce professionnel recommande ainsi que l’Etat instaure des mesures de soutien en faveur des agences de voyages pour continuer, au minimum, à assurer les salaires des personnels de secteur.
« Dans tous les pays du monde, les personnels de tourisme ont bénéficié d’aides et de soutien, excepté notre pays », a-t-il noté, soulignant que « l’aide de 10 000 DA octroyée aux travailleurs du secteur ne représente même pas une infime partie de salaire des personnels dont certains cumulent jusqu’à 20 dans le métier. »
« Les personnels commencent à s’orienter vers d’autres professions, l’Etat doit instaurer des mesures pour fixer ces gens car il s’agit d’un personnel bien formé », a-t-il indiqué.
De l’autre côté, Cherif Menasra réclame que les autorités préparent l’ouverture des saisons de tourisme dans l’avenir, que ce soit du tourisme interne ou externe.
« C’est très important pour nous en tant que professionnels, car depuis l’avènement du mouvement du Hirak, l’Algérie est devenue célèbre et connue dans le monde entier. C’est alors tout le monde qui veut visiter notre pays pour découvrir ses paysages et sa culture. Un sondage même a été fait par l’Organisation mondiale du tourisme, il a classé l’Algérie en huitième position dans le monde en termes des destinations que les touristes souhaitent visiter », a-t-il dévoilé, appelant à des facilitations dans l’octroi des visas et les voyages pour les touristes.
Farhat Hadjar, gérant de l’agence de voyages Maryanes voyage et tourisme basée à El-Harrach (Alger), a évoqué le problème du refus du remboursement de la compagnie nationale aérienne Air Algérie pour les vols annulés et réservés avant la crise sanitaire, contrairement aux agences aériennes internationales.
« Cette situation place les professionnels du voyage dans une situation très difficile alors qu’ils sont eux-mêmes tenus de rembourser leurs clients », a-t-elle souligné.
Pour sauver son activité, l’agence Maryanes voyage et tourisme a opté pour le tourisme local, or force est de constater que les revenus générés sont très bas, ajoutant que son agence a subi une perte de 3 000 000 DA.
Farhat Hadjar a affirmé que vu la cherté des réservations dans les complexes et hôtels algériens, les estivants nationaux regardent ailleurs.
« Si la Tunisie n’a pas imposé des mesures de confinement et des restrictions de voyage cette année, personne ne serait resté en Algérie. Les tarifs et les services là-bas sont beaucoup moins chers et attrayants », a-t-elle précisé.
Pour bénéficier d’un soutien de l’Etat, Farhat Hadjar s’est dirigée à la Direction du tourisme de la wilaya d’Alger, où on lui a signifié que les dossiers d’indemnités sont gelés en raison de la situation délicate de la Trésorerie publique.
« Ils nous ont demandé de laisser nos dossiers en attendant qu’ils nous rappellent », a-t-elle affirmé.
Hamid Mecheri
