Le monde de la littérature est aussi vaste que celui pour enfants est étroit. En tous cas, l’est-il chez nous ? Parent pauvre par excellence des publications locales, le livre pour enfants ne fait pas l’objet de grands étalages dans les librairies, les plus nanties en ouvrages à lectorat spécifique. Les maisons d’édition nationales ont cette difficulté à accepter les manuscrits des poètes en mal de publications mais ne trouvent pas non plus d’auteurs qui se feraient conteurs tout au moins en direction du jeune public. La littérature de jeunesse, cet autre manque dans le registre des éditeurs. Ceux-là même qui disent compter sur les doigts d’une main, des écrivains portés sur l’écrit enfantin, entre contes, histoires et autres bande dessinée. Lui emboîte de l’absence, des œuvres qui ciblent la jeunesse. Il est aussi important que ces deux publics très proches l’un de l’autre dans la croissance d’un esprit ouvert et malléable aient leur repères nationaux, identitaires, culturels et référents religieux, pour se retrouver, se découvrir, se connaître mieux et plus. Même l’école qui était d’un appoint certain ne sait plus intéresser ce lecteur potentiel à la lecture.
Et pourtant, il fut un temps, où l’éducation alliait à l’apprentissage en établissement scolaire, l’amour de la lecture. Une belle habitude alors que cette participation symbolique de 5 à 10 DA et beaucoup moins, les années 70 et 80, de l’élève pour l’achat des livres empruntés à la bibliothèque de l’école. Et en fait de bibliothèque, c’est cette armoire qui ornait le fond de la classe, avec sur ses portes vitrées des dessins d’élèves qui en recouvraient la surface et enfermaient le trésor de lectures diverses que l’instituteur ou le professeur au collège y compris, prêtait en fin de semaine à l’enfant. Non sans le pousser à une lecture intéressée en lui demandant de faire un résumé une fois le livre lu, une manière ludique de faire aimer le livre dès la plus tendre enfance. Et ce livre qui a toujours été cette fenêtre ouverte sur le monde, a été remplacé par cette autre monde devenu un petit village qu’est Internet. Même s’il est vrai que les liseuses sont aussi utilisées pour lire son auteur préféré, passer son temps positivement dans les moyens des transports public, comme le métro où l’image du voyageur qui a le visage plongé dans un livre est presque révolue.
Cette tradition de lire a donc de tout temps accompagné la scolarité de l’enfant. Bibliothèque, rose, verte, les BD, les contes, les fables de la Fontaine, tout autant de livres plaisants, imagés, colorés, attrayants et dont les titres sont encore en mémoire : Les malheurs de Sophie, les cinq compagnons, Le laboureur et ses enfants, Les mille et une nuits, Cendrillon, Le petit Chaperon rouge, Poil de carotte, Boucle d’or… . Une belle brochette d’histoires qui ne sont pas les nôtres mais qui nous ont appris à lire, à écrire, à mémoriser l’orthographe en améliorant nos dictées et nous faisaient rêver et quoi de meilleur pour un enfant. Et alors qu’il serait aussi bon de rêver local. La culture orale n’a pas su, tout au moins pour ce qui est du conte du terroir et du patrimoine national, faire bon usage de l’écrit destiné à un public tout aussi local et averti, dans ses propres repères, ses identifiants culturels et linguistiques.
