L’Algérie célèbre le 11 décembre 1960. Encore une manifestation qui a vu la répression s’abattre sur les citoyennes et citoyens sortis pacifiquement réclamer leur droit à l’indépendance, après celle du 8 mai 1945 qui a vu la population réprimée dans son élan revendicatif. Un peuple épris de liberté et qui va récidiver le 17 octobre 1961.
Des revendications populaires légitimes qui, au regard du colon sont un acte de désobéissance, voire de terrorisme, auxquels il faut répondre par la violence aveugle, les massacres à bout portant, les tortures, les assassinats et l’emprisonnement. Ce décembre d’il y a soixante ans, revient à la mémoire, pour réentendre les manifestants crier leur ras- le-bol de la colonisation, de l’injustice, des exactions et des massacres à grande échelle commis par l’administration coloniale. Ce jour-là, les femmes étaient aux premiers rangs, poing levé, à gorge déployée aux cris de l’indépendance, de la liberté, de l’algérianité. Un courage exemplaire qui brave la riposte particulièrement violente de l’armée française venue accueillir ces marcheurs vers leur destinée. Parmi ces femmes venues en force, des enfants aussi. Saliha Ouatiki surtout. A 13 ans, elle brave les balles et ne s’arrête pas devant le danger. La petite pubère fonce droit devant scandant le nom de son pays épris de liberté. Elle en paiera les frais et tombe au champ d’honneur. Dans Belcourt actuel Belouizdad. Effervescent, rien n’arrête les manifestants. Pas même le corps fragile tombé à terre de Saliha, 13 printemps à peine. Ils redoublent de férocité comme chargés à bloc. La colère est à son paroxysme, une déferlante humaine scande Tahia El Djazair, vive l’Algérie. Les images filmées retiennent une volonté populaire à toute épreuve. Avec en porte-flambeau les 13 ans de Saliha contre une guerre dite positive contre toute une nation qui a inscrit son combat dans la grande histoire avec un grand H dans le monde entier.
Aujourd’hui encore cette manifestation rappelée à la mémoire à la faveur d’une date, n’est pas célébrée à la mesure des sacrifices consentis par tout un peuple. Dans une discrétion presque laconiquement, on se souvient de ce 11 décembre 1960 comme d’un simple épisode de la révolution et non pas comme d’un événement charnière dans l’itinéraire d’une jeune guerre de libération. Sans faste, sans projecteur. Pas même une halte que les manuels scolaires, les plus à même de contribuer à l’éducation des générations et à l’éveil politique et la formation historique, pour réparer une omission qui dure depuis des années. Aussi, aujourd’hui en ces 60 ans de cette date phare, les pouvoirs publics ont-ils eu enfin ce sursaut en officialisant plus que jamais une célébration à laquelle s’est attelé le premier ministre, en assistant aux différents rencontres organisées à cet effet ? Plus qu’un cachet officiel imprime à cet acte fondateur de la nation Algérie, l’entretien d’une mémoire vivante et une reconnaissance aux martyrs tombés sous les balles assassines sous le regard du monde entier qui a retenti aux cris populaires pour une Algérie indépendante. En attendant que des édifices soient débaptisés au nom de ces citoyens morts pour leur pays. Saliha Ouatiki, pour exemple. Pour mémoire !