L’art nourrit-il son homme ? Il est semblerait que non. Et plus que jamais. Et ce, depuis la nuit des temps. Déjà l’artiste quand il fait de ses émotions sa raison de vivre, sa raison d’être, n’est pas du tout regardant à l’aspect pécuniaire. Son ouvrage émanant de ses entrailles lui tient les tripes au plus haut degré du sacrifice. Il ne peut se résoudre comme dans une addiction à une drogue se soustraire à abandonner en chemin, ce qui le maintient en vie, ce qui donne sens à son existence, ce qui le lie au monde, à son environnement.
Une entité qui ne saurait être départagée. Au contraire, l’artiste est dans son essence rassembleur, qui se joue des artifices du quotidien et aime à donner du bonheur autour de lui. Peinture, écriture, sculpture, théâtre, cinéma, musique… leur auteur adapte ses humeurs à ceux qui comptent pour autrui, avant que ça ne le soit pour lui. Des vendeurs de rêves plutôt que d’œuvres, don de soi au détriment de son bien être, porteur d’espoir dans un monde sans pitié… En Algérie, ils sont légion, ces artistes longtemps abandonnés à leur sort, marginalisés une fois retirés de la scène sur laquelle ils sont brillé et ont offert des étoiles au pays. Et quand le travail vient à manquer et ne rapporte pas de ressources, l’artiste se range pour ronger ses ressentiments. Combien d’entre ces femmes et ces hommes ont disparu presque dans l’anonymat, avec parfois un communiqué laconique, froid tout juste formel de ceux qui sont à la charge de la culture nationale.
Combien donc d’édifices, de rues, d’établissements portent donc le nom d’une ou d’un artiste algérien à travers le pays, combien sont-ils invités d’honneur de festivals nationaux qu’ils ont longtemps écumé en tournées, en prestations, en présence… Si un correctif a été apporté ces dernières années à la situation de l’artiste qu’on célèbre en sa journée nationale, en les affiliant à la caisse de sécurité sociale, en leur octroyant une carte professionnelle, en les déclarant à l’office national des droits d’auteurs et droit voisins (Onda), il n’en demeure pas moins que beaucoup, énormément reste à faire.
Cette année particulièrement, ils sont nombreux à avoir souffert de l’arrêt des activités culturelles, du confinement, en raison de la crise pandémique qui continue de faire endurer le pire aux artistes. Parmi eux, des disparus en ces temps de Covid-19, dans l’anonymat. N’étaient les réseaux sociaux qui relaient les informations, les hommages, les évocations, les appels au secours aussi. Ces derniers jours ils émanant par amis, admirateurs et famille interposés, la réserve étant passée par là, et affluent sur la toile pour interpeller, sensibiliser, appeler, informer sur un état de fait pas beau à voir, pas bon à véhiculer. Non pour ces artistes oubliés mais pour ceux qui sont confrontés à ce genre d’état de lieu affligeant, désolant. Ces jours-ci Mohamed Bahas, le ténor du gnaoui de Blida, qui se meurt à petit feu pour paraphraser les auteurs d’alerte, dans le dénuement étant sans ressources, pas même cette aide financière de la tutelle qui ont ciblé la famille artistique pour cause de pandémie et ses conséquence. Et dire que ce maâlm de la musique inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, a été l’un des artistes parti sillonner le pays en cette année 1964, à bord du train culturel dont il a donné le départ.
La culture avait une autre aura en ces années là de l’indépendance du pays. Et que dire aussi de cet artiste peintre qui vit sous une tente à Médéa, Mourad Guermi mis au devant de la scène pour une aide par Djahida Houadef qui met une de ses toiles aux enchères afin de porter aide et assistance à un créateur de signes, mis au ban de la société. La tutelle qui s’agite pour apporter un peu de vie en ces temps de virus, ne peut-elle pas être plus regardante à ces femmes et ces hommes qui croupissent dans la précarité, et leur offrir en retour de leur donation à l’art national, un peu d’égard et d’attention. A bon entendeur…