Le visage angélique de Chaïma ravie tragiquement à sa famille à la fleur de l’âge, relance le débat et surtout la donne de cette insécurité qui guette les enfants dans la rue. A qui la faute ? Aux parents comme le fait endosser un professeur censé prendre en charge cette frange de la population ? Aux réseaux sociaux qui distillent de la violence à dose homéopathique jusqu’à ce que l’addiction prenne et ne lâche plus ? A la défection de l’école qui jette en pâture des écoliers en mal d’études, de perspectives, d’horizons plus heureux ? A la rue qui ne voit plus intervenir la sécurité ou même ce citoyen devenu indifférent à l’agression, égoïste et sauve qui peut ? A qui alors ? Chaïma puis cette adolescente d’El Eulma la semaine écoulée et maintenant cette autre jeune fille, la vingtaine retrouvée, mutilée, calcinée à Tamanrasset. Que nous arrive-t-il ? Le choc est national ? La peur aussi ?
L’homme de la rue ne parle plus que de ces malheureuses filles disparues dans des conditions inimaginables, atroces, étrangères aux mœurs de notre société, de notre vécu, de notre moi. Après les enlèvements qui ont défrayé la chronique ces dernières années et qui continuent de faire prendre aux parents leurs devants en accompagnant leur progéniture à leur école, seulement à quelques mètres du foyer.
Les scènes décrites sont à peine croyables et pourtant c’est au cœur de la cité que ces monstruosités arrivent. Mais qui déclenche ce climat de violence inouïe d’une autre ère, d’un autre âge où on s’en prenait aux femmes ? Ou apparentée à celle des années d’insécurité où le terrorisme a élu domicile en rase campagne comme en pôles urbains qui prenait pour cible privilégiée la femme de tout âge, celle au foyer, étudiante, scolaire, travailleuse… Chaïma et les autres pensaient vivre enfin dans un pays en paix. Elles qui n’ont entendu que parler de la décennie noire, ses exactions, ses attentats, ses massacres ses égorgements, ses assassinats, ses tueries, ses faux barrages venus d’un autre temps. Qu’elles ne pouvaient même pas imaginer dans leur petite tête, tels que rapportés par bribes çà et là ? Non elles ne pouvaient imaginer que leur Algérie était plongée dans la terreur et le sang.
Et voilà qu’aujourd’hui la faucheuse, la plus faucheuse qui soit, les a happées sans crier gare dans un pays revenu à la paix mais qui apparemment paie les conséquences de ces années de braise, remontées à la surface. Peut-être est-ce cela ? Mais qu’importe à présent, maintenant et dans l’urgence, qui a poussé à ces atrocités, ces viols, à ces tortures, à cette ignominie quand des êtres fragiles payent de leur vie la liberté d’aller à l’école, d’aller travailler, de sortir se promener, de faire des courses, de jouer… Assister les familles, c’est bien mais prévenir le danger, punir au plus haut point, rendre justice, balisent les jalons d’une véritable prise en charge par les autorités concernées dans toutes ses fractions, pour qu’il n’y ait plus jamais ça, est mieux. Pour ne plus banaliser la mort, ne plus tourner le dos à la violence, ne plus avoir peur, pleurer, et enterrer des âmes innocentes ? Parce que ce n’est pas nous. Pas notre Algérie. Non !