La consommation de charbon dans le monde ne baisse pas, malgré les déclarations et les efforts des pays. Et tant pis pour la planète.
Coup sur coup, les mauvaises nouvelles sont tombées. Elles viennent de France, où le gouvernement vient d’annoncer sa décision de prolonger jusqu’en 2024 ou 2026 la centrale à charbon de Cordemais, contre une fermeture programmée en 2022 ; du Japon, qui mettra en service 20 gigawatts (GW, soit une vingtaine de réacteurs nucléaires) de centrales à charbon d’ici dix ans ; d’Allemagne, la vertueuse et verte Allemagne, qui veut fermer ses centrales à charbon d’ici 2038, mais laisse un gros site ouvrir, à Datteln – fâcheux quand on sait qu’une centrale à charbon fonctionne au moins 40 ans.
Le charbon, ce satané charbon responsable de 40 % des émissions de CO2 dans le secteur de l’énergie, n’a pas dit son dernier mot. On le critique, on le combat, mais il reste une énergie d’avenir parce qu’il est abondant, bon marché et offre une fourniture d’énergie « pilotable » : il suffit d’appuyer sur un bouton et la centrale à charbon, sorte de chaudière géante, se met en branle pour fournir en quelques heures de l’énergie. Dès qu’il y a besoin d’injecter rapidement de l’électricité sur le réseau, le charbon, c’est parfait.
* Le graphique a fait tressaillir les écologistes
Et tant pis s’il émet plus de 800 grammes de CO2 par kilowattheure (kWh) produit, deux fois plus que le gaz naturel et environ 80 fois plus que le nucléaire. La Pologne, gros producteur, « fabrique » près de 80 % de son électricité grâce à la houille, et l’Allemagne, qui ferme ses centrales nucléaires au profit des éoliennes et du solaire, encore 30 % environ. Les États-Unis, quant à eux, retrouvent leur niveau de consommation de charbon de 1975, malgré le soutien à l’industrie charbonnière de Donald Trump. Mais c’est pour le remplacer par le pétrole et le gaz de schiste…
On peut élargir la focale, la tendance n’est pas plus rassurante. La consommation mondiale de charbon a augmenté, entre 2017 et 2018, de 1,4 %, alors qu’il faudrait faire le chemin inverse pour limiter le réchauffement de la planète. Plus inquiétant peut-être, le BP Statistical Review of World Energy, référence en la matière, note que cette hausse est la deuxième consécutive, alors que la tendance baissait lors des trois années précédentes. Comme une conséquence, le document note que les émissions mondiales de CO2 ont augmenté de 2 % entre 2017 et 2018. Il y a quelques jours, lors d’un congrès de l’Agence internationale de l’énergie, un graphique projeté lors d’une conférence a fait tressaillir les écologistes : l’agence de l’OCDE ne prévoit aucune baisse de la consommation de charbon dans le monde d’ici 2040…
* En Chine, l’équivalent d’une centaine de réacteurs nucléaires
Certes, les pays développés, notamment les nations européennes, fournissent un gros effort. La consommation de charbon au sein de l’OCDE a largement baissé, au point d’atteindre le niveau de 1975. Mais cette lutte, relative dans certains pays comme la Pologne, exemptée des efforts de l’Union européenne, est contrebalancée par le laisser-aller de gros consommateurs. C’est le cas de la Chine, premier pays au monde pour son addiction au charbon, avec près de 2 milliards de tonnes (équivalent pétrole) brûlés en 2017 : sa consommation a crû de 0,9 % entre 2017 et 2018. Selon une ONG américaine, Global Energy Monitor, la Chine prévoit la mise en service de 147 GW de capacités, soit l’équivalent des centrales à charbon européennes et à peu près la force de frappe d’une centaine de réacteurs nucléaires… L’Inde, qui se place en deuxième place, est encore plus dépendante de cette énergie, nécessaire à son essor économique : la consommation de charbon s’est envolée de 8,7 % en une année.
Au Japon comme en Allemagne, l’ouverture de centrales à charbon ne va pas sans mal. Les écologistes allemands ne voient évidemment pas d’un très bon œil ces usines à polluer. Uniper, la société qui construit et exploite la centrale de Datteln 4, assure pourtant que les émissions de CO2 seront largement réduites par rapport aux anciennes centrales, ce qui contribuera à limiter la pollution. Au Japon, le discours est similaire : les centrales de nouvelle génération rejetteraient environ 100 grammes de CO2 par kWh produit de moins que les anciennes (800 contre 900).
Les gouvernements assurent donc qu’ils sont sur la bonne voie. Le Japon entend ainsi réduire de 26 % ses émissions de CO2 d’ici 2030. Les observateurs en doutent, arguant que les atouts économiques et techniques du charbon l’emportent face aux arguments écologiques. L’Espagne a de son côté fait le pari du jusqu’au-boutisme : le pays entend fermer une à une ses centrales d’ici 2022, pour n’en garder que 3 (sur une quinzaine aujourd’hui). L’objectif est louable, le chemin pour l’atteindre beaucoup moins : pour compenser le manque d’électricité dû à ces fermetures, l’Espagne importe du Maroc du courant produit grâce au… charbon. r / i