Avec pour objectif de renforcer la visibilité de l’université algérienne et de la hisser dans les classements internationaux, en raison du fait que la langue anglaise représente la première langue de publication au monde pour les études, les travaux de recherche et les articles scientifiques, l’Algérie est décidée à s’engager dans la généralisation de cette langue dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique.
Ainsi, après l’introduction de la langue de Shakespeare à l’école primaire lors de la précédente rentrée scolaire, il est fort possible que celle-ci intègre les universités algériennes dès septembre prochain. Cette démarche, faut-il le souligner, intervient, après le lancement de programmes de formation au profit d’enseignants universitaires en septembre dernier.
Dans ce cadre, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a invité les responsables des séminaires régionaux des universités à coordonner avec les recteurs et les directeurs des autres établissements d’enseignement supérieur, afin de préparer le terrain à l’adoption de l’anglais comme langue d’enseignement dès la prochaine rentrée universitaire (2023/24).
«L’introduction de l’anglais à l’université porte sur une vision à long terme»
Le Pr Laïd Zeghlami, enseignant en sciences de l’information et de la communication à l’université d’Alger, a indiqué : «Toutes les actions menées par le ministère de l’Enseignement supérieur sont louables car elles sont porteuses d’une vision sur le long terme et en adéquation avec la réalité du terrain. Comme l’un des buts ultimes est de placer l’université algérienne parmi l’élite dans le monde, on serait tenté de s’inspirer de l’écosystème des universités américaines qui se trouvent systématiquement au top du classement à tous les sondages.»
«Il est communément admis, à travers le monde, que la langue anglaise est celle de la science et de la technologie. C’est pourquoi, il est regrettable de ne pas voir cette langue au sein de l’université algérienne», a-t-il souligné. Et d’ajouter à ce propos : «Toutes les découvertes scientifiques ont été menées dans la langue de Shakespeare. C’est pourquoi, il est fort déplorable qu’on soit exclus de cette possibilité.»
Hormis l’introduction de la langue anglaise dans les campus pour booster la recherche scientifique et aspirer à placer l’université algérienne au diapason des grandes universités de par le monde, notre interlocuteur a indiqué : «Pour l’université, il y a urgence à développer une stratégie globale où la formation de hautes compétences dans la recherche et l’innovation technologique a un impact direct sur l’économie et la production de richesse. Toutes les tentatives de changement doivent être encouragées avec une bonne dose d’optimisme en l’avenir et de confiance accordée aux responsables à qui cette lourde tâche est confiée.»
Et d’ajouter : «Il ne s’agit pas de comparer entre telle ou telle langue car chaque langue possède ses spécificités et son prolongement, mais force est d’admettre aujourd’hui que l’introduction de la langue anglaise au sein de l’université algérienne est une initiative fort louable, notamment avec la biotechnologie, la nanotechnologie, l’intelligence artificielle qui sont enseignées en anglais. C’est pourquoi, il est intéressant aussi bien pour le pays que pour l’étudiant et l’enseignant algériens de s’accrocher au diapason des découvertes mondiales.»
«Faire de l’université un élément clé dans l’économie du savoir et le progrès
scientifique»
Aussi, pour notre interlocuteur, «on doit se libérer de toutes les emprises étroites en matière de langues et d’être réalistes et objectifs et savoir s’en servir. Toutes les actions menées par le ministère de l’Enseignement supérieur sont louables car elles sont porteuses d’une vision sur le long terme. L’ambition des responsables au plus haut niveau est de répondre aux attentes de la société dans son ensemble en faisant de l’université l’élément clé dans l’orientation du pays vers l’économie du savoir et le progrès scientifique».
Le Pr Laïd Zeghlami reste convaincu que «la généralisation de l’anglais comme langue d’enseignement dans le supérieur est une décision qui semble irrévocable. Son implémentation a déjà commencé à l’université et l’anglais a été introduit dès la troisième année du cycle primaire. Dans l’état actuel des choses, les sciences physiques et chimiques, les mathématiques, l’informatique, la technologie et, à moindre degré, les sciences de la nature constituent les domaines où la généralisation de l’anglais dans l’enseignement est possible assez rapidement. Ces domaines sont déjà suffisamment imprégnés par l’anglais et le niveau de maîtrise exigé n’est pas très élevé, laissant le temps à un perfectionnement graduel. Par contre, les autres domaines, comme le droit, l’économie, les sciences humaines et la médecine, exigent un niveau plus élevé de maîtrise de l’anglais et, donc, un programme intensif d’apprentissage de la langue est nécessaire pour permettre une transition sans impact négatif sur la qualité de la formation».
«La langue anglaise est très largement employée dans le domaine de l’informatique»
Se voulant plus affirmatif quant à l’usage de l’anglais, notre interlocuteur a déclaré : «La langue anglaise est très largement employée dans le domaine de l’informatique. Le fait que le jargon propre à ce secteur ait été en grande partie conçu à partir de la langue anglaise à ses prémices explique qu’aujourd’hui, celle-ci soit indissociable de l’informatique. Même si, à l’heure actuelle, il existe bel et bien des langages de programmation non anglophones, force est d’admettre que la version anglaise reste la plus répandue.»
«Introduire la langue anglaise au sein de l’université algérienne est une excellente initiative»
Pour Amel Bounadja, présidente de l’Organisation des étudiants algériens (CELA), que nous avons jointe lundi dernier, «introduire la langue anglaise au sein de l’université algérienne est une excellente initiative dès lors que cela la propulsera vers l’universalité.»
Et d’ajouter : «La généralisation de l’anglais comme langue d’enseignement dans le supérieur est une ouverture majeure sur l’extérieur et une mesure phare pour donner de la visibilité à l’Université algérienne à l’international. Il s’agit, en fait, d’une évolution dans le secteur de l’enseignement supérieur et la confirmation ne tardera pas à venir. Nous le saurons, probablement, dans les deux ou trois années à venir car les conséquences des mesures prises aujourd’hui seront certainement visibles sur le niveau des universités algériennes à travers leur progression au classement mondial. A l’horizon 2030, nous pourrons apprécier les résultats.»
«On compte, en 2023, plus d’une demi-centaine d’universités frôlant les deux millions d’étudiants, à peu près un universitaire sur 24 habitants. C’est un véritable bond en avant et une assise pour construire une nouvelle université jugée, non pas sur des chiffres mais sur la qualité des prestations, sur l’innovation et l’excellence, une université du futur capable de se placer aux premiers rangs parmi les plus prestigieuses du monde. Il faut, cependant, se mettre sur la bonne voie et réussir la bataille de la qualité qui est très exigeante en efforts et nécessite une bonne vision prenant en compte les expériences du passé, afin d’éviter les mêmes erreurs. Pour avancer, il est nécessaire d’identifier les sources de blocage et méditer sur le pourquoi des échecs», a-t-elle ajouté.