L’économie bleue décrit l’utilisation durable et la conservation des ressources aquatiques dans les environnements marins et d’eau douce. Ceci comprend les océans et les mers, les côtes et les rives, les lacs, les rivières et les eaux souterraines. Il comprend des activités qui exploitent les ressources aquatiques (pêche, exploitation minière, pétrole, biotechnologies, etc.) ou utilisent les milieux aquatiques (transport maritime, tourisme côtier, etc.), dès lors qu’elles sont réalisées de manière intégrée, équitable et circulaire.
En Algérie, où l’économie, de manière générale, constitue le levier du redressement, les pouvoirs publics se sont focalisés, dans le domaine de l’économie bleue, sur les ressources humaines qualifiées, en œuvrant à leur assurer les outils technologiques appropriés en vue de répondre aux exigences des métiers actuels et futurs et leur permettre de maîtriser les technologies, d’améliorer la gouvernance, développer les méthodes de travail et mettre en œuvre les résultats de la recherche scientifique et de l’innovation, afin de réaliser un produit local durable.
«Pour diversifier son économie, l’Algérie s’intéresse fortement à l’économie bleue»
Concernant l’Algérie qui a besoin de diversifier son économie pour sortir définitivement de la rente pétrolière, se tourner vers cette économie bleue ne peut être que bénéfique, à plus d’un titre.
Désireux de connaître les enjeux et l’apport de ce type d’économie au développement, nous avons pris attache avec l’expert économique, Kamel Kheffache.
Ce dernier a, d’emblée, indiqué que «la mer et le littoral jouent un rôle clé dans l’économie du pays, même si, en termes de PIB, ce rôle n’apparaît pas comme déterminant à l’état actuel».
«Plus de 95% des échanges internationaux de l’Algérie se font par voie maritime»
Et d’expliciter ce rôle en précisant : «Plus de 95% des échanges internationaux de l’Algérie se font par voie maritime : 40 000 navires longent annuellement la côte algérienne et 11 000 navires touchent les ports algériens. A cet égard, le poids du transport maritime et l’activité portuaire seront amenés à prendre plus d’importance avec le projet du Grand Port Centre d’El Hamdania à l’ouest d’Alger.» Celui-ci constituera «un port de transbordement majeur en Méditerranée et un ‘’Gateway’’pour l’Algérie et l’Afrique. Avec un renforcement des terminaux spécialisés à conteneurs avec près de 4,65 millions d’EVP associé à un vaste programme de réalisation/modernisation de gares maritimes, la mer sera appelée à jouer encore davantage un rôle clé dans l’économie et le développement de l’Algérie», a-t-il affirmé.
Sur un autre registre, notre interlocuteur a jugé utile de donner des chiffres pour étayer son argumentaire en indiquant : «L’activité de la pêche compte près de 4 000 navires de pêche pour une production halieutique moyenne annuelle de 100 000 tonnes/an. Certes, la production aquacole constitue moins de 6% de la production halieutique totale mais la dynamique engagée devrait soutenir l’installation et l’entrée en production de près de 100 fermes d’aquaculture à l’horizon 2025.»
«La mer a pris une autre importance stratégique en Algérie»
Par ailleurs, selon lui, «la mer a pris une autre importance stratégique en Algérie dans le contexte des changements climatiques et du stress hydrique puisque près de 20% des Algériens sont alimentés en eau potable à partir du dessalement de l’eau de mer. Les projections pour 2030 situent autour de 35% l’apport du dessalement de l’eau de mer dans la consommation totale d’eau potable du pays», poursuivant : «Les câbles sous-marins reliant l’Algérie au sud de l’Europe, les deux gazoducs à destination de l’Espagne et l’Italie ainsi que les projets d’exploration offshore d’hydrocarbures dans deux blocs des secteurs ouest et est de la côte jouent un rôle pivot dans la transformation numérique du pays et sa sécurisation énergétique. Avec l’institution en 2018 de la zone économique exclusive et par conséquent l’extension de la souveraineté maritime de l’Algérie sur de nouveaux espaces maritimes, la mer prend un caractère hautement stratégique, en particulier dans un contexte où l’action transfrontalière devient cruciale face à l’exacerbation de la pénurie des ressources naturelles, le développement technologique accéléré et les nouvelles pollutions qui pourraient compromettre les services écosystémiques maritimes et côtiers», a-t-il conclu pour dire que «la mer, l’océan, et les lacs jouent un rôle déterminant pour l’économie d’un pays, pour peu que cette notion d’économie bleue soit bien encadrée dans le processus tendant à diversifier l’économie».
Pour sa part, l’expert et professeur d’économie à l’Université «Mouloud Mammeri» de Tizi-Ouzou s’est voulu plus prolixe à ce sujet en affirmant : «Comme les autres pays de la rive sud du Bassin occidental de la Méditerranée, l’Algérie est un pays à fort potentiel de développement de l’économie bleue.» «Ce potentiel s’exprime par la valeur du capital maritime, le potentiel scientifique et les infrastructures maritimes et littorales déjà existantes. Toutefois, la plus-value attendue réside particulièrement dans les secteurs non encore développés mais dont la marge de progression est importante, comme les biotechnologies marines, l’aquaculture durable, le tourisme marin écologique, les activités minières ainsi que les services et la production de connaissance», a-t-il souligné en précisant que «le secteur de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique œuvre à assurer des ressources humaines qualifiées dans le domaine de l’économie bleue et à leur garantir les outils technologiques nécessaires pour répondre aux besoins de l’économie nationale et relever les défis de développement.»
«L’économie bleue est devenue un élément essentiel dans le développement des sociétés»
Aussi, pour l’expert Brahim Guendouzi, «l’économie bleue est devenue un élément essentiel pour le développement des sociétés, et son importance se manifeste à travers les activités économiques qui lui sont associées, en sus des opportunités qu’elle apporte au développement», ajoutant que «l’économie bleue vient s’ajouter à l’économie verte pour concourir à un développement durable des régions côtières algériennes, et ce, à travers la diversification des sources de revenus et la recherche de sources plus durables qui contribuent à la relance de l’économie nationale».
C’est pourquoi, selon notre interlocuteur, «la stratégie nationale pour l’économie bleue (SNEB) constitue un véritable acquis et représente la vision nationale et les principes directeurs devant guider l’action du gouvernement et de ses partenaires d’ici 2030», précisant que «cette économie définit aussi les principaux axes d’intervention de la mer et du littoral pour en faire un moteur de croissance et de développement durable pour les générations actuelles et futures».
Et de rappeler notamment : «L’Algérie avait abrité, en 2018, la 2e Conférence ministérielle sur l’initiative pour le développement durable de l’économie bleue en Méditerranée occidentale. La rencontre fut sanctionnée par l’adoption de la Déclaration d’Alger pour le développement d’une économie maritime durable (économie bleue) en Méditerranée. La Déclaration d’Alger insista sur la mise en œuvre d’un fonds spécifique pour soutenir les projets communs autour de l’économie bleue et étendre cette initiative à d’autres pays. Le financement de ces projets devrait atteindre 300 millions d’euros à travers différents bailleurs de fonds internationaux et régionaux», a-t-il indiqué.
«Le plan d’eau est un territoire à valoriser pour contribuer à la croissance économique»
Selon notre interlocuteur, «le plan d’eau est aussi un territoire qui doit être valorisé pour contribuer significativement à la croissance économique du pays qui en dispose». «Pour un pays comme l’Algérie qui dispose de 1.600 km de côte et d’un territoire maritime de 136.338 km2, cette économie est intéressante pour l’Algérie», dit-il en soutenant que «comme pour les autres secteurs, il faut reconfigurer l’économie bleue par rapport à des objectifs économiques précis».
Aussi, pour l’expert Brahim Guendouzi, «le concept de l’économie bleue est encore récent tant au niveau international et régional. Très peu de pays en Méditerranée et en Afrique disposent d’une stratégie nationale pour ce créneau. Il est toujours difficile de changer de paradigme économique et environnemental pour les activités maritimes, car ce sont des activités lourdes et qui ont un enracinement très ancien», fait-il remarquer.